Chère lectrice, cher lecteur,

Vous connaissez la madeleine de Proust, mais savez-vous dans quoi notre célèbre écrivain plongeait son petit gâteau ?

Dans une tisane médicinale.

Voici d’ailleurs comment il décrit la plante qui la compose :

« Le dessèchement des tiges les avaient incurvées en un précieux treillage dans les entrelacs duquel s’ouvraient les fleurs pâles, comme si une peintre les eût arrangées, les eût fait poser de la façon la plus ornementale ».

Oui, c’est du Proust, on se tient bien, svp… Maintenant pour la tisane, je vous donne un indice : ça commence par un T.

Si vous l’avez reconnu, vous êtes très fort !

Indice supplémentaire, en image :

Vous l’avez, cette fois ! Eh oui, c’est le Tilleul du Roussillon.

C’est un certain François Domenach, instituteur d’Arles-sur-Tech, dans les Pyrénées-Orientales, qui a mis en évidence ses propriétés remarquables, au début du XXème siècle.

Ce « hussard noir de la République » [1] était atteint de la « gravelle », « produite par des concrétions semblables à des petits graviers » qui se forment dans les reins, la vessie.

Comme beaucoup de ses collègues, M. Domenach « aimait à herboriser à ses moments perdus », et c’est parmi les plantes qu’il ramassait au hasard de ses promenades, qu’il décida de chercher celle qui pourrait le soulager.

Connaissant la puissance du draineur naturel qu’est l’aubier de tilleul (l’aubier est la partie tendre de l’écorce du tilleul), il rechercha de quels arbres on pouvait obtenir les meilleurs résultats.

Ce qu’il découvrit, il le communiqua à l’Académie de Sciences en 1916. Mais celle-ci ne lui répondit jamais.

Ce n’était qu’un instituteur, après tout…

Et puis il faut dire qu’il y avait en face de lui…un poids lourd en train d’émerger.

Le laboratoire Lafon, de Montpellier, qui allait créer un médicament à base de phloroglucinol, destiné à calmer les douleurs d’origine biliaire et qui deviendrait bientôt le célèbre Spasfon.

Et devinez où on trouve du phloroglucinolDans l’aubier de tilleul, pardi !

Vous voyez que les « pressions » des laboratoires, ça ne date pas d’hier…

Remise à neuf de l’organisme

Toujours est-il que notre instituteur transmit néanmoins le résultat de ses découvertes, et qu’on sait que les meilleurs arbres sont ceux qui ont 25 ans au moins, qu’ils doivent pousser à une altitude de 900 à 1100 mètres et que la question du terrain joue un rôle essentiel.

Ainsi, d’après lui, ce sont « les tilleuls sauvages du Roussillon qui ont les pouvoir thérapeutiques les plus puissants ».  

La raison ?

« Sans doute parce que leurs racines puisent dans la terre, et communiquent à la sève, les principes actifs que les sources minérales des Pyrénées ramassent dans leur course souterraine. »

C’est la merveille des synergies naturelles !

Pour la récolte, il faut attendre le moment précis de l’année où se produit la montée de la sève, en juin.

Alors les tilleuls sont abattus, débités, écorcés sur place selon des règles précises : l’écorçage, notamment, a lieu avant que la sève ait eu le temps de s’écouler.

Les plaques d’écorce de l’aubier sont séchées à l’air libre.

Puis l’écorce est détachée, l’aubier est coupé en baguettes et envoyé à l’herboristerie qui se charge de la mise en paquets et de la diffusion. (Sans bien sûr avoir le droit de vanter la moindre indication thérapeutique de son produit, il irait droit devant le juge…)

Alors faisons-le pour lui.

Avis aux « cumulards » (du médicament)

L’aubier de tilleul est un excellent draineur naturel, d’une totale inocuité (absence de danger), ce qui le désigne pour une « remise à neuf » périodique de l’organisme.

Une cure d’aubier de tilleul (un verre matin et soir) débarrasse le sang de ses toxines, et facilite le travail de nettoyage du foie et de la vessie.

Elle est notamment indiquée chez toutes les personnes, le plus souvent âgées, qui subissent « une « polymédication » en raison de leurs nombreux troubles fonctionnels et chroniques » [2]..

En clair, les « super cumulards » du médicament.

Des personnes qui se retrouvent, souvent malgré elles, confrontées à des risques majeurs :

« Chaque nouvelle spécialité administrée augmente en effet de 12 à 18 % le risque d’effet indésirable ».

« Ces accidents iatrogéniques sont responsables de 5 à 25 % des admissions hospitalières et de 10 % des admissions aux urgences. » [3]

Dans ces conditions, on voit que la « détox » n’est pas une lubie de magazine féminin, mais bien un impératif majeur, notamment pour protéger son foie.

Je reviendrai dans une prochaine lettre sur un programme détox plus complet, mais vous connaissez certainement déjà les grands « pontes » naturels de la question : le chardon-marie (extrait fluide : 30 gouttes x 4 /jour), l’artichaut (teinture mère : 50 gouttes, 2 x /jour), le curcuma (2 cuillères à café de poudre par jour) ou le romarin (2 à 3 infusions par jour avant les repas).

Mais revenons à notre tilleul.

Intéressant aussi en cas d’hypertension

J’aimerais vous présenter une de ses facettes moins connues : ses propriétés hypotensives.

Certes, ce n’est pas la plante qui vient immédiatement à l’esprit lorsqu’on cherche à faire baisser la tension (on évoque généralement l’olivier ou l’aubépine [4] [5] [6]), mais je veux l’évoquer tout de même car je referme à l’instant une étude qui souligne encore les méfaits des médicaments hypotenseurs.

Il y a quelques mois, les autorités de santé américaines recommandaient de traiter toute hypertension, même les légères, c’est-à-dire lorsque la pression systolique (lors de la contraction cardiaque) du patient est comprise entre 140 et 159 mm Hg et/ou dès que sa pression diastolique (lors de la phase de repos) atteint 90 à 99 mm Hg.

Or une nouvelle étude portant sur plus de 38 000 personnes légèrement hypertendues a conclu que cette recommandation ne présentait aucun avantage: non seulement elle ne réduit pas le risque d’accident vasculaire cérébral ou d’infarctus du myocarde, mais elle expose en plus à des épisodes d’hypotension et à une altération de la fonction rénale [7].

Raison de plus pour s’intéresser à l’aubier de tilleul qui, cela mérite d’être rappelé, était autrefois remboursé par la sécurité sociale

Preuve que c’est parfois en regardant derrière soi qu’on rencontre la sagesse !

Santé !

Gabriel Combris

Sources :

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Hussard_noir

[2] Enquête basée sur l’analyse de près de 350 ordonnances de personnes âgées, publiée dans le n° 91 de Que Choisir Santé (février 2015).

[3] Institut de recherche et documentation en économie de la santé : La polymédication : définition, mesures et enjeux (décembre 2014)

[4] Walker A.F. et al., Promising Hypotensive Effect of Hawthorn Extract: A Randomized Double-Blind Pilot Study Extract of Mild Essential , Phytother. Res., 2002 Feb, 16(1):48-54.

[5] Asgary S. et al., Antihypertensive Effect of Iranian Crataegus curvisepala Lind.: A Randomized, Double-Blind Study, Drugs Exp. Clin. Research, 2004, 30(5-6):221-5.

[6] Walker A.F. et al., Hypotensive Effect of Hawthorn for Patients with Diabetes Taking Prescription Drugs: A Randomized Controlled Trial, Br. J. Gen. Pract., 2006 Jun, 56(527):437-43.

[7] P. Sheppard, S. Stevens, R. Stevens et coll., dans JAMA Internal Medicine, octobre 2018.