Chère lectrice, cher lecteur,

 

 

L’oignon appartient à la catégorie des légumes patrimoniaux.

On le transmet comme un trésor, de génération en génération.

Avant vous, l’oignon était déjà sur les étagères de la cuisine de votre grand-mère, sur celles de votre arrière-grand-mère, et ainsi de suite bien avant que les étagères existent.

Il a toujours été . Et lorsqu’il ne l’était plus…catastrophe !  

Savez-vous quel était l’un des plus grands regrets des Hébreux, lorsqu’ils furent contraints à l’Exode hors d’Egypte ? De ne plus pouvoir manger d’oignons !! (Nombres, 11, 5-6 ; trad. Bible de Jérusalem).  
 
Sa rondeur, sa puissance, sa constance…

L’oignon est le mousquetaire fidèle au chevet de notre santé, le Porthos des Amaryllidaceae (la même famille que l’ail), toujours prêt à sortir le fleuret pour nous défendre.

Parce que lorsque ce petit légume sympathique déploie sa force, ça cogne !

 

« Vous qui êtes gros et gras… »

 

La tradition attribuait à l’oignon des vertus diurétique, vermifuge ou antiseptique, entre autres.

Je lis qu’on l’a même conseillé comme aphrodisiaque ou contre l’obésité :

« Vous qui êtes gros, gras et lympathiques, nous dit un traité, mangez de l’oignon cru, c’est pour vous que Dieu l’a créé[1] »,

…mais la science actuelle permet de mieux saisir l’importance d’une consommation régulière d’oignon.

L’oignon est une source très importante de flavonoïdes et en particulier de quercétine, un antioxydant qui joue un rôle bénéfique dans la santé des vaisseaux sanguins et du système immunitaire en calmant les réactions allergiques[2][3].

Ce flavonoïde, ainsi que d’autres composés antioxydants, de l’oignon pourraient contribuer à diminuer l’incidence de certains cancers (œsophage, prostate notamment) [4].

Il est également démontré que les flavonoïdes ont une action protectrice contre l’oxydation du cholestérol-LDL [5].

Ainsi, une consommation élevée de flavonols et de flavones issus de l’alimentation est associée à un plus faible risque de maladies coronariennes [6].

D’après le site de référence passeportsante.net, qui a réalisé une revue d’études complète sur l’oignon, notre légume contient des composés qui agissent sur différents facteurs de risques cardiovasculaires[7].

L’oignon est notamment reconnu pour sa capacité à diminuer l’agrégation plaquettaire dans le sang.

Précisons que l’agrégation des plaquettes dans le sang augmente le risque de thrombose et, par le fait même, de maladies cardiovasculaires.

Une étude préliminaire effectuée chez l’humain a ainsi montré que la consommation d’environ trois oignons moyens (500 g), dans une soupe, diminuait l’agrégation plaquettaire[8].

L’activité antiplaquettaire serait en partie attribuable aux composés sulfurés et aux flavonoïdes (quercétine) de l’oignon.

Ces mêmes molécules permettent aussi l’organisme à éliminer naturellement les polluants et les métaux lourds qui s’accumulent dans nos cellules[9].

Les bénéfices sont maximum lorsqu’on consomme un oignon par jour.

 

J’ouvre mon plan d’épargne oignon (PEO)

 

L’oignon, vous le voyez, c’est du placement d’avenir !

Et si j’étais conseiller dans une banque, je mettrais de côté les PEA, les PEL et autres SICAV…je dirais à mes clients d’ouvrir un plan d’épargne…oignons.  

Je leur dirais aussi qu’en cuisine, pour le préparer, il faut éviter de le peler trop « épais ». 

C’est en effet dans son enveloppe extérieure que sont le plus concentrées les substances antioxydantes.

Mollo, donc, sur le « déshabillage » de l’oignon, légume pudique qui ne dévoile toute sa grâce que s’il reste couvert – et nous offre par là une leçon à méditer…

En tout cas, les recettes culinaires sont infinies (j’attends bien sûr les vôtres en commentaire de cette lettre), mais les plus simples sont il me semble, les plus savoureuses :

    • oignons cuits à l’étouffée avec des herbes (fenouil, aneth, sarriette, thym) ;
    • farçis comme les tomates après une demi-cuisson à l’eau à petit feu, de viande ou d’un hachis de tomates, d’herbes et d’ail ;
    • tarte à l’oignon bien sûr, soupe à l’oignon ou encore purée ;
    • Etc.

Les études ont toutefois montré que le fait de faire bouillir l’oignon diminuait son contenu en flavonoïdes[10]  et, ainsi, son activité antioxydante[11].

À l’inverse, cuire l’oignon au four ou le faire sauter augmente sa teneur en flavonoïdes puisque l’eau s’évapore, créant ainsi une plus grande concentration de ces antioxydants.

L’herbaliste Pierre Lieutaghi, lauréat de l’académie des Sciences, que je tiens par ailleurs pour un des grands poètes des plantes et de la Nature, a pour sa part une recette végétarienne extrêmement originale :

« Ayez pour chaque convive un gros oignon, la valeur d’un moulin à café de blé, une cuillère à soupe de crème fraîche » ;

« Broyez finement le blé et, le délayant avec de l’eau, très peu d’huile, de la crème, sel, poivre et thym pulvérisé (une bonne pincée par personne), faites-en une pâte molle d’une consistance telle qu’elle puisse se maintenir en galettes épaisses sur la poêle. Laissez reposer une nuit. »

« Peu avant la cuisson, hachez les oignons, passez-les à l’huile pour les cuire modérément, puis mélangez-les à la pâte, devenue souple. »

Du tout, faites des galettes épaisses d’un centimètre, que vous cuirez à feu moyen jusqu’à ce que chaque face ait pris un teint hâlé. Servez avec des tomates rissolées saupoudrées d’un hachis d’ail et de persil avec des pommes cuites, en ajoutant une noisette de beurre sur chaque galette »

 

L’oignon : un légume triste ?

 

Nous avons dit de l’oignon qu’il était pudique. Mais pourquoi fait-il couler nos larmes ?  

L’écrivain François Cavanna a écrit que « lorsqu’on épluche un oignon, il faut en même temps penser à quelqu’un qu’on aime bien et qui est mort, sans quoi ce sont des larmes perdues ».

C’est joliment dit, et pourquoi pas, après tout, laisser couler ses larmes pour cette raison-là.

L’oignon devient comme un « souvenez-vous », ces images mortuaires où figurait l’image d’un être cher disparu avec une prière que les grands-mères d’autrefois glissaient dans leur missel.

Mais sachez aussi qu’il n’est pas « obligatoire » de pleurer en pelant son oignon.

… La molécule responsable des propriétés lacrymales de l’oignon — du nom de thiopropanethial S-oxyde — est libérée lorsqu’on défait le bulbe.

Elle est très soluble dans l’eau. Ce qui veut dire qu’elle peut être éliminée lorsque l’oignon pelé est rincé sous l’eau, ou s’il est préalablement refroidi.

Santé !

Gabriel Combris

Sources :

[1] Jean Palaiseul, Nos grands-mères savaient, Robert Laffont.

[2] Moon JH, Nakata R, Oshima S, et al. Accumulation of quercetin conjugates in blood plasma after the short-term ingestion of onion by women. Am J Physiol Regul Integr Comp Physiol. 2000 Aug;279(2):R461-7. 2000.

[3] Wagner H, Dorsch W, Bayer T, et al. Antiasthmatic effects of onions: inhibition of 5-lipoxygenase and cyclooxygenase in vitro by thiosulfinates and “Cepaenes”. Prostaglandins Leukot Essent Fatty Acids. 1990 Jan;39(1):59-62. 1990.

[4] Wang L, Lee IM, Zhang SM, et al. Dietary intake of selected flavonols, flavones, and flavonoid-rich foods and risk of cancer in middle-aged and older women. Am J Clin Nutr. 2009 Mar;89(3):905-12. 2009.

[5] . Aviram M, Kaplan M, et al. Dietary antioxidants and paraoxonases against LDL oxidation and atherosclerosis development. Handb Exp Pharmacol 2005;(170):263-300.

[6] Graf BA, Milbury PE, Blumberg JB. Flavonols, flavones, flavanones, and human health: epidemiological evidence. J Med Food 2005;8(3):281-90.

[7] Osmont KS, Arnt CR, Goldman IL. Temporal aspects of onion-induced antiplatelet activity. Plant Foods Hum Nutr 2003;58(1):27-40.

[8]

[9] Melino S, Sabelli R and Paci M. Allyl sulfur compounds and cellular detoxification system: effects and perspectives in cancer therapy. Amino Acids. 2010 Mar 6.

[10] Lombard K, Peffley E, et al. Quercetin in onion (Allium cepa L.) after heat-treatment simulating home preparation. Journal of food composition and analysis 18, 571-581. 2005. Ref Type: Journal (Full)

[11] Kawamoto E, Sakai Y, et al. Effects of boiling on the antihypertensive and antioxidant activities of onion. J Nutr Sci Vitaminol (Tokyo) 2004 June;50(3):171-6.