Chère lectrice, cher lecteur,
Il fût un temps, pas si lointain, où l’on ne posait pas la question de ce qu’il y a avait dans son assiette.
On savait.
Pour une raison simple, c’est que la nourriture avait été récoltée ou prélevée directement : dans la terre, sur un arbre, dans un buisson, à la ferme ou dans un pré.
Le chemin jusqu’à l’assiette était court. Et il n’était pas semé d’additifs et autres « composés néoformés ».
Aujourd’hui, c’est une autre affaire.
L’industrie agro-alimentaire, aidée par des bataillons de publicitaires, a réussi à nous refourguer des « aliments ultra-transformés » créés de toute pièce, dont certains n’ont absolument aucune origine naturelle.
Ce sont des OMNI – objets mangés non identifiés.
Origine des OMNI (Objets Mangés Non Identifiés)
Leur origine remonte à l’après deuxième guerre mondiale, avec le développement de techniques permettant la séparation et la purification des constituants alimentaires.
Ainsi, explique le Dr Anthony Fardet, chercheur en nutrition préventive, « une fois ces constituants isolés, des nouveaux ingrédients ont été mélangés, recombinés pour créer de nouveaux produits ou reconstituer artificiellement des aliments » [1].
« Grâce au fractionnement du blé, par exemple en farine blanche, germe, son, gluten, amidon de blé, sirop de glucose…on a pu fabriquer du pain de mie complet. »
L’industriel prend de la farine blanche à laquelle il ajoute du son et un peu de gluten. Il reconstitue donc artificiellement la farine de blé complète. Il y a joute de l’huile, du sucre, de la levure, et le tour est joué.
Mais le plus étonnant est de voir à quel point on tergiverse encore pour reconnaître les ravages causés par ces aliments ultra-transformés.
Car les données scientifiques sur le sujet sont claires comme de l’eau de roche :
L’étude NutriNet Santé, qui étudie le lien entre nutrition et santé, a suivi près de 45 000 volontaires pendant huit ans, et a conclu à « une association statistiquement significative » entre une hausse de la consommation d’aliments ultra-transformés (AUT) et un accroissement de la mortalité, toutes causes confondues :
« Une hausse de 10 % de la part d’aliments transformés dans notre menu est associée à une augmentation du risque de mortalité de 14 %.
La consommation d’AUT a été associée avec un risque global plus élevé de cancer (jusqu’à 18%) et de cancer du sein (jusqu’à 22%) et d’autres maladies chroniques comme l’obésité ou l’hypertension [2].
Mais cela n’a pas empêché certains chercheurs et médias d’afficher une prudence de vierge farouche vis-à-vis de ces résultats, au motif qu’il ne s’agit que d’une « étude d’observation ».
« Aliments ultra transformés et santé : une étude à traiter avec prudence » explique La Nouvelle République [3].
« Il faut prendre des précautions avec ce constat » nous dit France TV Info [4].
« L’étude sur les aliments ultra-transformés est à relativiser » écrit Top Santé [5].
Il ne faut pas être Einstein pour comprendre la stratégie des industriels et de leurs complices : gagner du temps.
Et ce temps, c’est précisément le problème.
Comment dévaster sa flore en 15 jours seulement (et 10 avec une « astuce » en plus)
Il suffit pour s’en convaincre de voir à quelle vitesse fracassante l’alimentation ultra transformée fait des dégâts dans l’organisme.
Dans son livre Salement bon pour la santé, le Dr John Axe, un des plus grands nutritionnistes américains, révèle l’impact épouvantable des aliments transformés sur le microbiote, avec des conséquences terribles qui peuvent intervenir en 15 jours seulement.
Une étude de l’université de Pittsburg a notamment observé les régimes alimentaires de deux groupes d’individus : le premier composé de 20 américains vivant en ville et suivant un régime « typiquement américain » : aliments frits et peu de légumes ;
Le second groupe était composé de 20 Sud-Africains vivant à la campagne, et se nourrissant d’aliments traditionnels, haricots et légumes.
Comme dans les émission de télé-réalité, les deux groupes ont ensuite échangé leur régime…pendant deux semaines, les Sud-Africains se mettant aux hamburgers et poulets frits, les autres à la bouillie de maïs servie avec des légumes, des haricots ou un ragoût de viande.
Verdict : il a fallu deux semaines seulement pour que les Sud-Africains voient « des changements remarquables dans leurs biomarqueurs indiquant des « risques de cancer du colon », qui n’étaient pas présents au début de l’expérience !
Et ça peut aller…encore plus vite !
Malbouffe traditionnelle contre nouvelle malbouffe
Un professeur d’épidémiologie génétique du King’s College de Londres, Tim Spector, a voulu comprendre ce qui se passait dans une flore intestinale soumise à une « orgie » d’alimentation ultra-transformée.
Pour le savoir, il a réquisitionné son propre fils, à qui il a décidé d’offrir 10 jours de repas chez Mc vous savez-qui, en échange de quoi il pourrait étudier sa flore.
Le garçon accepta, enchanté de ce qu’il pensait être une « aubaine ».
Là-encore, après un festival de graisses trans et de fausse nourriture (frites, nuggets de poulet, hamburgers et sodas,) l’analyse de la flore réalisée par les équipes du British Gut Project laisse sans voix :
« Sa flore intestinale était dévastée. Il a perdu 1400 espèces de micro-organismes – près de 40 % du total – en seulement dix jours. Son intestin n’a pas récupéré tout de suite : il a fallu des mois pour les microbes bénéfiques le repeuplent. »
Evidemment, on pourrait penser qu’il s’agit là d’un exemple caricatural, personne ne va au fast-food TOUS les jours.
Certes.
Mais les aliments ultra-transformés « ne se résument pas aux aliments « traditionnels » de la malbouffe, comme les sodas ou les frites.
« Ils représentent 80% de l’offre actuelle en supermarché, y compris dans les rayons diététique, bio ou “végétarien” (la plupart des steacks végétaux sont des AUT).
« Ces aliments représentent plus du tiers des aliments consommés par les Français. »
« D’après les chercheurs, ils seraient la première cause de mortalité précoce dans les grandes villes. [6] »
Pour expliquer ce lien de « cause à décès », si on ose dire, les chercheurs avancent certaines hypothèses, faute de certitudes :
- La présence d’additifs [7], dont certains, comme le dioxyde de titane, pourraient être associés à une inflammation chronique de l’intestin et à certains cancers.
Un article récent dans Autoimminutity Reviews a montré un lien direct entre les additifs alimentaires industriels, l’intestin perméable et l’auto-immunité, désignant comme coupables le sucre et le sel ajoutés, les émulsifiants comme le polysorbate 80 ou la léchtine et le gluten.
Une autre étude publiée dans l’American Journal of Clinical Nutrition a montré que les huiles hydrogénées que l’on trouve dans les biscuits sucrés et salés, les gâteaux, les céréales, les glaces, les plats cuisinés et bien sûr dans les margarines végétales, augmentent considérablement l’inflammation dans TOUT le corps.
- Les composés néoformés, créés lors des processus de transformation des aliments (comme l’acrylamide, l’acroléine ou les hydrocarbures aromatiques polycycliques), sont également suspectés d’être cancérogènes.
- Les perturbateurs endocriniens contenus dans les plastiques et encres des emballages, pourraient, eux, entrer directement en contact avec les aliments.
Maintenant, lorsqu’on sait la place qu’occupe aujourd’hui l’alimentation industrielle dans les modes de vie occidentaux, il est illusoire de penser tout changer en deux semaines.
Bien sûr, chacun doit chercher à limiter au maximum la consommation des aliments ultra-transformés, et revenir au « manger vrai », mais il faut aussi reconnaître que tous les produits industriels ne sont pas désastreux :
Certains produits peuvent être achetés sans risque au supermarché, car ils ne sont que très peu transformés et proches d’une recette maison.
Ils peuvent vous faire gagner du temps, comme par exemple les légumes nature congelés bios (juste blanchis avant congélation).
Les experts du site lanutrition.fr publient régulièrement un guide intitulé « Bon et sain au supermarché », utile pour identifier les produits industriels qu’on peut acheter sans crainte. Comme par exemple :
- Le jambon de Parme, une appellation protégée (AOP) qui garantit qu’il n’y a que deux ingrédients : jambon et sel.
- La crème fraîche entière épaisse
- Les œufs bio bleu-blanc-cœur
- Le pain de seigle complet bio
- Les haricots blancs ou rouges cuits,
- Les pois chiches cuits en bocal, bio
Plus généralement pour repérer les produits sains au supermarché, il faut prendre en compte plusieurs critères. Si les deux premiers sont respectés, vous êtes sur la bonne voie :
- Choisissez des produits fabriqués avec des ingrédients naturels – ceux que votre grand-mère reconnaîtraient ou dont elle connaitrait au moins le nom
- Ceux dont la composition comporte moins de 5 ingrédients. En général, plus un produit contient d’ingrédients et plus il est transformé.
- Ceux qui contiennent le moins de sucre ajouté.
- Ceux dont les graisses sont de meilleure qualité : huiles de colza ou olive par exemple, beurre plutôt que margarine.
- Ceux qui contiennent le moins d’additifs.
Dernière chose, si sur l’emballage, tout est fait pour vous dire « je suis diététique », « je suis allégé », fuyez.
C’est à coup sûr l’inverse. Car comme disait le grand peintre Georges Braque : « la vérité existe, on n’invente que le mensonge »
Santé !
Gabriel Combris
Sources :
[1] Dr Anthony Fardet, Mangeons vrai.
[2] https://www.etude-nutrinet-sante.fr/article/view/230
[3] https://www.lanouvellerepublique.fr/a-la-une/aliments-ultratransformes-et-sante-une-etude-limite-le-lien-de-causalite
[4] https://www.francetvinfo.fr/sante/alimentation/les-aliments-ultratransformes-favoriseraient-le-cancer-on-vous-explique-pourquoi-il-est-encore-trop-tot-pour-le-dire_2618422.html
[5] https://www.topsante.com/nutrition-et-recettes/risques-sante/intoxication-alimentaire/cancer-l-etude-sur-les-aliments-ultra-transformes-est-a-relativiser-624364
[6] https://www.lanutrition.fr/les-news/quest-ce-quun-aliment-ultra-transforme-
[7] https://www.quechoisir.org/actualite-alimentation-les-aliments-ultra-transformes-augmentent-le-risque-de-mortalite-n63995/
Merci M. Combris de nous partager le fruit de vos talentueuses recherches. Toutes les gouttes d’eau que vous avez semées dans nos esprits refleuriront enrichies et diffusées un peu partout sur notre planète. Vous êtes tel le soleil qui diffuse son énergie lumière sans avoir à se préoccuper à qui il bénéficiera. Au nom de tous les bénéficiaires de votre travail je redis encore MERCI !
Pierre Dupuis
Bonjour Monsieur Combris,
Bien d’accord avec vous mais un point me semble à éclaircir. Quid de la lécithine ? Ce phospholipide est tout de même bénéfique puisqu’il constitue 35% des membranes cellulaires et est indispensable au bon fonctionnement du cerveau. La raison pour laquelle je vous pose la question est que je me supplémente depuis quelques semaines avec de la lécithine de soya (une cuiller à soupe dans une tasse de kéfir)
Qu’en pensez-vous?
Merci de m’éclairer sur ce point.
Le monde est devenu un champ parsemé de mines. C’est épuisant de chercher son chemin en essayant d’éviter les écueils. Et la chimie est en train de détruite la planète à grandes enjambées..
Bonsoir, et merci pour ces lettres santé que vous m’envoyez régulièrement et qui sont très utiles ! Cependant, la raison qui me pousse à venir ici pour vous laisser un commentaire, c’est que j’aimerai que vous m’éclairez sur certains points. J’ai lu par exemple qu’il est préférable d’utiliser du beurre plutôt que de la margarine et qu’il convient d’éviter de consommer tut aliment soit disant allégé et réduit en matières grasses par exemple, ou encore diététiques, car c’est “à coup sûr l’inverse”. Seulement, ma mère qui dialyse s’est vu conseillée par la diététicienne de consommer des aliments allégés à 0% de matières grasses et aussi de la margarine végétale riche en omégas trois ! Pensez-vous qu’une personne qui dialyse, sachant qu’elle doit faire attention au sel, peut consommer du beurre normal ? Ce qui serait mieux et qui éviterait non seulement l’emballage plastique, mais aussi les effets néfastes que contiennent ces genres d’aliments.
Du coup, je pense que la diététicienne (qui s’occupe tout particulièrement de conseiller sur un point diététique des personnes dialysées) ne lui a pas conseillée que des bonnes choses alors. Qu’en pensez vous ? Est-il préférable que ma mère abandonne la consommation de margarine végétale et de produits allégés ? Ainsi, dans l’attente, je me permets de vous souhaiter une très bonne soirée, bien à vous, Sandra.
Bravo Mr Combris…continuez, nous sommes avec vous de tout coeur!
L’alimentation industrielle n’est pas une alimentation spécifique pour l’humain comme pour l’animal mais il semblerait que les intérêts financiers passent avant la santé. Il faut savoir que toute molécule de synthèse reste une molécule non conforme à la nature et à la vie. On sait reconstituer une molécule naturelle par synthèse mais pas complètement même si la composition atomique est la même avec un poids moléculaire identique c’est la structure moléculaire qui varie légèrement c’est à dire la position des atomes et des radicaux constituant la forme de de la molécule qui diffère et c’est pour cette raison que nos propres molécules ne les reconnaissent pas, c’est un peu comme une serrure que l’on voudrait ouvrir avec deux clés apparemment identiques sauf un petit détail sur une des deux et bien la serrure ne pourra fonctionner qu’avec une. notre système métabolique secrète des substances (enzymes ou diastases) nécessaires aux différentes transformations et aux évacuations résiduelles métaboliques formées également de molécules avec leurs propres structures spécifiques. Les additifs alimentaires de synthèse ainsi que les phytosanitaires de structure légèrement différence et ne pourront pas s’emboîter correctement sur les molécules de nos sécrétions donc le métabolisme sera incomplet avec des résidus agressifs mal évacués qui vont se promener aux différents endroits de notre corps en créant des pathologies parfois très graves. Il va quand même falloir que chacun de nous prennent conscience des ce grave problème.
J.TURCHET
Vous devriez lire : LE PARADOXE DES PLANTES
Les dangers cachés de l’alimentation “saine ” a l’origine de maladies et de prise de poids .
Dr STEVEN R. GUNDRY
Bonjour,
Votre article est intéressant, mais il contient une curiosité : vous recommandez l’huile de colza, mais celle-ci est génétiquement modifiée (la véritable et originale est inconsommable en raison de son taux d’acide érucique – toxique – qui peut monter à 50% et qui servait originellement pour les lampes à huile et les machines et même les moteurs de voiture) et, de plus, elle contient au moins 2 g d’acides gras trans pour 100 g, car c’est avant tout une huile industrielle non pressée à froid… même si elle est dite bio. Perso, je ne le recommanderais absolument pas. Pour les oméga-3, vaut mieux de l’huile de lin ou de noix vierges. En revanche, l’huile d’olive est toujours superbe, si extra-vierge. Mais le colza n’offre aucun intérêt, si vous n’êtes pas un industriel en recherche de profits.
Renseignez-vous.
Cordialement
Cordialement.
Ariane heyraud
Bonjour,
Attention, il ne faut pas confondre
1/modifications génétiques obtenues par croisement d’espèces pour atteindre des caractéristique intéressantes (exemple ici, dans les années 60, disposer d’une huile de colza sans acide urécique)
et
2/ manipulation génétique par insertion d’un gène qui n’existe pas initialement dans l’espèce, tel que ce qui est pratiqué sans vergogne par les Bayer et autres Monsanto depuis les années 1990-2000. (Exemple : introduction d’un gène de résistance au round-up)
Si la première méthode est pratiquées certes pas toujours pour le bien du consommateur (ex : obtenir un tomate bien ronde bien rouge …mais sans goût), au moins, c’est un processus qui existe dans la nature (il n’y a qu’à voir la vitesse de dénaturation des courges si elles poussent en présence d’autres cucurbitacées tel que concombres, coloquintes, pour donner quelque chose de pas forcément comestible.
C’est ce processus “naturel” de croisement qui a conduit à des blés plus riches en gluten également.
La seconde est en revanche à la fois biologiquement et éthiquement contestable car ne se préoccupe pas de l’impact court ou long terme sur le consommateur
En conséquence, l’huile de colza actuelle sans acide urécique n’est donc pas un problème. Et la bio garantie une teneur en pesticides réduite et un pressage adéquate pour en conserver les qualité nutritionnelles démontrées (rien à voir avec la raffinée de Lesu..r et consort)
(Je n’ai pas d’action dans les firmes vendant de l’huile de colza 🙂 )
Très bon article au demeurant, reprenant les résultats d’études sur les aliments ultra-transformés très récemment publiées, ainsi que ceux qui ont conduit à l’élaboration de la classe NOVA (pour ceux qui veulent des infos, la page wikipedia est plutôt bien faite)
petit ajout :
l’huile de lin et de noix restent très fragiles comparativement à l’huile de colza car cette dernière est riche en vitamine E qui la protège de l’oxydation. Noix et lin s’oxydent (rancissent) assez vite, et là, pour le coup, il ne faut plus les consommer.
Conservation au frigo recommandée !
Merci beaucoup pour vos alertes