Chers amis,

En cherchant les mots-clés « IA et médecine » sur PubMed, le site de référence des travaux scientifiques en médecine, j’ai constaté que plus de 60 000 articles ont déjà été référencés à ce jour.

12 000 d’entre eux ont été publiés rien qu’en 2023…

Il faut se rendre à l’évidence, le sujet est chaud bouillant. Et les adeptes de la technologisation de la médecine sont enthousiastes :

« Ce qui pouvait prendre 10 jours auparavant, pourrait être fait en une demi-journée aujourd’hui ! » se réjouissait récemment l’oncologue Jean-Emmanuel Bibault à propos des diagnostics de cancer.

Quand on sait que le temps est le paramètre crucial dans la guérison du cancer, difficile de ne pas être d’accord avec lui. Mais il me semble aussi qu’il ne faut pas crier victoire trop vite…

Car il faut encore se demander si ce gain de temps est toujours effectué dans l’intérêt du malade ?

Et là rien n’est moins sûr, surtout quand on commence à comprendre la logique à l’œuvre derrière la généralisation de ces nouvelles technologies.

Bientôt la fin des humains dans la santé ???

La vitesse à laquelle les métiers de la santé sont bouleversés est complètement inédite :

Grâce aux appareils de mesure numériques qui enregistrent nos constantes vitales – tension artérielle, pouls, taux de glycémie, etc. – la prescription et le dosage de nos traitements tendent à s’automatiser petit à petit.

Il y a aussi des applications administratives qui écoutent les consultations et en restituent la synthèse, pour générer un compte rendu médical standardisé.

Aujourd’hui, des applications déterminent même la chimiothérapie la plus adaptée selon les données du patient et de la tumeur.

Pareil pour la radiologie, où la lecture et l’interprétation des clichés sont déjà largement faites par des intelligences artificielles.

Je pourrais multiplier les exemples, mais je crois que vous avez compris le problème :

Il n’y a plus besoin d’humain dans la boucle !! – à part peut-être pour faire quelques branchements ! – et c’est la fin programmée des professionnels de santé qui s’annonce.

Regardez cette étude parue l’année passée dans le JAMA Internal Medicine :

Elle a démontré qu’un robot conversationnel a répondu aux questions médicales des patients de manière plus précise mais aussi plus empathique que les médecins eux-mêmes…¹

Franchement, ça fait froid dans le dos.

Les machines font mieux que l’humain dans un domaine qui semblait a priori sa spécialité….

Mais à quoi tout cela rime ?

Eh bien c’est très simple !

S’il devient possible de se passer des humains, alors on peut économiser de l’argent.

Voilà la logique qui est à l’œuvre – la seule ! – et qui ne doit pas être oubliée.

On entend certains dires : « mais quand le médecin sera enfin libéré des tâches chronophages par l’IA, il aura enfin du temps pour la relation humaine avec son patient ».

Sauf que c’est TOUJOURS l’inverse qui s’est produit avec l’automatisation et la robotisation.

Penser que l’IA va rendre la médecine plus humaine c’est oublier que la technologisation est, historiquement, toujours affaire de profit, à plus forte raison dans un domaine médical de plus en plus traversé par des intérêts privés…

L’art de soigner

Autre problème, la disparation de la pluralité des points de vue, si essentielle à la construction d’une approche intelligente des soins.

Car il faut se souvenir que la médecine n’est pas une science, mais un art. Un tâtonnement, un dialogue, un saupoudrage.

Face à son patient, chaque médecin construit une solution thérapeutique singulière, qui engage ses connaissances techniques mais aussi toute sa philosophie de la médecine.

Si vous êtes malade et que vous demandez un deuxième avis, il y a de fortes chances qu’il soit différent du premier selon la sensibilité du médecin à qui vous avez affaire.

Or, l’IA n’est qu’une puissance de calcul basée sur des algorithmes, et compter sur sa seule expertise va immanquablement uniformiser les perspectives de traitements proposés.

Alors que nous ressentons tous le besoin contraire d’adopter une approche globale de la santé, confier aveuglément notre santé à des machines paraît une idée franchement…à contretemps.

Car jusqu’à preuve du contraire, les algorithmes de calcul des IA n’ont pas été conçus pour promouvoir cette conception holistique de la thérapie.

Ils ont été programmés pour perpétuer une médecine ultra-ciblée, basée sur la logique du morcellement du corps, de la molécule chimique comme réponse à tout, et sur une approche statistique qui évalue précisément la balance bénéfices/risques – financiers j’entends ! – de chaque intervention thérapeutique.

Finalement, plus les « machines » prétendront soigner, plus la médecine naturelle trouvera sa légitimité. Car elle rappelle au soignant le sens étymologique du mot grec « thérapeute » : le « serviteur, celui qui prend soin de l’autre ». Celui qui, comme le disait déjà Hippocrate, ne doit rien faire qui nuise. Mais qui éveille le patient aux équilibres naturels, à la nutrition, au développement personnel, à ses forces d’auto-guérison.

Santé !

Gabriel Combris


Sources:

[1]Ayers JW, Poliak A, Dredze M, et al. Comparing Physician and Artificial Intelligence Chatbot Responses to Patient Questions Posted to a Public Social Media Forum. JAMA Intern Med. 2023;183(6):589–596. doi:10.1001/jamainternmed.2023.1838