Chers amis,
Du jour au lendemain, un homme tout à fait équilibré, directeur d’un site industriel, se met à torturer des chats…
Il devient très rapidement accro à cette pratique déviante.
Une femme sans histoires, mère aimante aux dires de tous ceux qui la connaissent, vide subitement le compte épargne de son fils pour assouvir sa nouvelle tendance irrépressible aux achats compulsifs.
Stéphane Grange, lui, s’est lancé à corps perdu du jour au lendemain dans les paris sportifs jusqu’à y perdre près de 90’000 en quelques mois, et il a simultanément développé une addiction au sexe qui a fini par avoir raison de son couple1.
Ce qu’il y a en commun entre ces trois personnes ?
Elles sont atteintes de la maladie de Parkinson, et sont traitées avec du Requip, un agoniste dopaminergique produit par le laboratoire GSK.
De nouvelles preuves récentes convergent pour dire que ce traitement perturbe le système de la récompense et du contrôle pulsionnel dans le cerveau en agissant sur la dopamine.
En clair, ce médicament expose Monsieur et Madame « tout le monde » à des troubles de l’addiction graves et subits.
Stéphane Grange, comme quelques autres avant lui, entend alors faire reconnaître la responsabilité du laboratoire et, pour ce faire, a décidé de l’attaquer en justice.
Ce ne sont pas des cas isolés…
Les quelques cas que je vous ai cités en préambule ne sont pas les seuls.
Jean-Christophe Corvol, professeur de neurologie à l’hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière et son équipe avaient déjà publié en 2018 dans la revue Neurology 2, un article qui signalait qu’un patient sur deux traité par agonistes dopaminergiques, souffrira de troubles du contrôle des impulsions dans les cinq ans suivant le début du traitement. Un sur deux !!!
Bien que le professeur Corvol soit un neurologue de référence sur la maladie de Parkinson, le laboratoire GSK ne prendra pas en compte l’existence de son importante étude pour actualiser la notice de Requip et ainsi avertir les patients des potentiels risques qu’ils encourent.
Or, dans le cadre du procès de Stéphane Grange, la justice a demandé au professeur Corvol une expertise.
Et voici ce que le professeur note dans son rapport : l’existence d’un lien « de causalité certain et exclusif entre les troubles du contrôle de l’impulsion et la prise de Requip ».3
Le laboratoire, acculé, propose donc à Stéphane Grange un montant de 50’000 euros, assorti d’une clause de confidentialité.
Malgré ses dettes, il a d’ores et déjà refusé la proposition.
Les enquêtes en cours assurent que, dès 2003, GSK savait que la molécule ropinirole, substance active du Requip, pouvait provoquer des troubles du contrôle des impulsions, notamment une libido exacerbée, des addictions sexuelles et des comportements destructeurs, mais n’a pas jugé bon d’informer clairement les patients ni les médecins.
Pire, en 2006, GSK a même soutenu une étude explorant l’utilisation du Requip comme traitement contre la dysfonction sexuelle, voyant un potentiel commercial dans ces effets secondaires…
Encore une preuve du cynisme sans limite de certains grands laboratoires
Maintenant, quel sens donner à ce énième scandale ?
Je crois qu’il doit nous interroger sur la notion même de progrès, un mot brandi à tout bout de champ par nos responsables politiques et sanitaires.
Mais le serait-il autant, demandait l’ethnobotaniste Pierre Lieutaghi, « si vous le saviez tissé, non seulement des victoires de l’esprit, mais aussi de toutes les défaites de la vie depuis l’aube des temps humains ? »
Il est en effet bien relatif, ce progrès, si on tient compte de la seule évolution des rapports entre les hommes…
La technique progresse, oui…mais pour quoi faire ? Toujours le même saccage ?
Le choix difficile que nous devons faire (chacun d’entre nous)
Évidemment, vous pouvez me juger bien négatif, alors qu’une incontestable prise de conscience écologique traverse le monde occidental.
C’est évidemment un mieux. Et puis Rome ne s’est pas faite en un jour.
Mais là-encore, rappelons les mots du « prophète » Lieutaghi :
« Il ne sert à rien d’ajouter quelques gouttes de « conscience écologique » dans une sauce déjà accommodée par le festin de la consommation »
Notre corps dit exactement la même chose.
La nature, aujourd’hui, attend ses révolutionnaires. Mais ils auront peine à faire entendre leur voix, car contrairement à la plupart de celles qui résonnèrent dans les siècles, elle n’appellera pas à vouloir davantage, mais à être davantage.
Ces défenseurs lucides seront considérés comme des gêneurs, des naïfs.
Les uns les traiteront de réactionnaires, les autres de redoutables anarchistes.
Mais leur temps viendra.
Et sinon, concrètement ?
Alors, que faire ?
D’abord, soutenir, en s’impliquant personnellement quand on le peut, les initiatives sincères pour un monde réellement plus écologique, naturel et fraternel. Si vous en connaissez autour de vous, partagez-les en commentaire de cette lettre, c’est à cela (aussi) qu’elle sert.
Ensuite, cesser de vivre sur l’ordre des choses inutiles, apprendre à déceler les pollutions les plus insidieuses – les pesticides bien sûr, mais aussi le vacarme intérieur, la parole qui blesse, la rumeur ou des « idées moches » qui tournent dans nos têtes.
Lieutaghi le résume d’une phrase sans appel :
Alors, le « jeûne de consommation » – ce que l’agriculteur Pierre Rahbi appelait la « sobriété heureuse » -, peut-il être une réponse au toujours plus que réclame notre société : plus de croissance, d’efficacité, de productivité, de compétition ?
Pourquoi pas ? Après tout, on connaît les bienfaits du jeûne, ce nettoyage par le vide :
Les études récentes soulignent son efficacité contre l’hypertension artérielle, le diabète de type 2, montrent qu’il peut inverser les douleurs chroniques, celles de l’arthrose ou de la polyarthrite rhumatoïde, qu’il est utile contre la fibromyalgie, la baisse de moral, les maladies digestives, le surpoids et qu’il améliore également la qualité du sommeil.
Alors retrouver (un peu) le goût de la privation, de la rareté des choses, pour rallumer la pleine conscience de vivre ? Ce n’est peut-être pas aussi idiot que ça en a l’air.
Cela demande d’aller chercher dans la relation à l’autre, dans des amitiés sincères, dans des rapports de chair et d’os et un mode de vie sain, la plénitude que la consommation ne peut pas offrir.
Et, puis pour finir, tant pis si on répète toujours la même chose.
Il faut tout simplement, encore et toujours, remettre les deux mains dans la vie, dans la terre.
Sentir, toucher, ramasser, planter…faire grandir les « simples » : la sauge, la bourrache, le plantain, la mélisse ou l’achillée millefeuille.
Car celui qui plante…plante PLUS GRAND QUE LUI !!!
Gabriel Combris
Sources :
[1] https://www.francetvinfo.fr/sante/drogue-addictions/enquete-maladie-de-parkinson-face-a-la-justice-des-medicaments-qui-rendent-accros-au-sexe-et-aux-jeux_7018610.html
[2] Corvol JC, Artaud F, Cormier-Dequaire F, Rascol O, Durif F, Derkinderen P, Marques AR, Bourdain F, Brandel JP, Pico F, Lacomblez L, Bonnet C, Brefel-Courbon C, Ory-Magne F, Grabli D, Klebe S, Mangone G, You H, Mesnage V, Lee PC, Brice A, Vidailhet M, Elbaz A; DIGPD Study Group. Longitudinal analysis of impulse control disorders in Parkinson disease. Neurology. 2018 Jul 17;91(3):e189-e201. doi: 10.1212/WNL.0000000000005816. Epub 2018 Jun 20. PMID: 29925549; PMCID: PMC6059034.
[3] https://www.francetvinfo.fr/sante/drogue-addictions/enquete-maladie-de-parkinson-face-a-la-justice-des-medicaments-qui-rendent-accros-au-sexe-et-aux-jeux_7018610.html