Je dis un grand merci à ces japonais !

Chère lectrice, cher lecteur,

C’est la Rambo des bactéries !

Helicobacter pylori est impliquée dans 80% des cas dans les ulcères d’estomac et 90% des cas dans les ulcères du duodénum (intestin grêle), mais elle est aussi responsable de l’apparition des cancers gastriques»[1].

Pour déloger cette invitée gênante, on a longtemps utilisé les antibiotiques.

Mais la bactérie est devenue de plus en plus résistante et les conséquences désastreuses des antibiotiques sur la flore intestinale ont remis la pharmacie naturelle au goût du jour.

Certains parmi vous ont peut-être déjà fait appel à l’achillée millefeuille, la nigelle, la réglisse ou encore le gingembre.

D’autres ont peut-être déjà utilisé certaines huiles essentielles (les huiles anti-infectieuses sont surtout les huiles essentielles à phénol comme l’origan compact le thym à thymol, le tea tree, la cannelle de Ceylan, le clou de Girofle (Eugenia caryophyllata) en particulier, inhibe la croissance d’Helicobacter pylori).

Mais aujourd’hui j’aimerais vous faire découvrir une tout autre catégorie de remèdes : celle des résines

Vous en connaissez au moins deux, que les Rois Mages transportaient à la naissance de l’enfant Jésus :

  • la Myrrhe (Commiphora myrrha), qui contient de l’éthanol efficace contre Helicobacter Pylori [2]
  • l’Encens (Boswellia serrata), dont l’acide boswellique agit lui aussi sur la bactérie[3].

Le parent pauvre des résines (pourtant scientifiquement approuvé)

Mais avez-vous entendu parler du mastic (pistacia lentiscus) utilisé dans la médecine traditionnelle grecque depuis des millénaires ?

Comme la myrrhe et l’encens, le mastic se récolte en faisant une incision dans le tronc d’un arbuste, le pistachier lentisque.

Des « larmes » de sève coulent puis durcissent à l’air libre pour donner de petits cailloux de gomme naturelle jaune clair :

 

On peut la mastiquer, c’est d’ailleurs un de ses modes d’utilisation médicinale, notamment si l’on veut protéger ses gencives ou avoir bonne haleine.

Mais on peut aussi l’utiliser réduite en poudre, dans des gélules, ou bénéficier des propriétés thérapeutiques de son huile essentielle.

L’avantage du mastic, c’est qu’il n’y a pas de doute sur son efficacité contre Helicobacter pylori.

Le secret d’Hippocrate subitement redécouvert au XXe siècle

Pour la gomme de lentisque pistachier, on retrouve dans les écrits d’Hippocrate lui-même, la mention de propriétés thérapeutiques du mastic pour les troubles gastro-intestinaux[4].

Et depuis 1984, des études sont conduites pour prouver l’efficacité du mastic contre Helicobacter.

Dans une étude à double aveugle contre placebo menée sur 38 patients souffrants d’ulcère du duodénum, 18 d’entre eux ont reçu 1g de placebo et 20 d’entre eux 1g de mastic par jour, pendant 2 semaines[5].

  • Résultat : 80% des personnes prenant du mastic ont vu leurs symptômes s’améliorer, fait confirmé pour 70% d’entre eux par endoscopie (examen médical).

Une autre étude menée sur 52 patients souffrant d’infection à Helicobacter pylori a testé l’efficacité d’une prise de 1,05g de mastic pur pendant 14 jours :

  • Résultats : élimination de la bactérie pour 34% des patients traités par mastic pur contre zéro chez les patients traités par IPP (pantoprazole) et mastic.
  • En plus : Pas d’effet secondaire et tolérance totale pour tous les patients « mastic ».

Une autre étude a été menée par une équipe italienne en 2013 pour tester l’activité antibactérienne du mastic[6]

  • Résultats : dès 125 microgrammes par millilitre de mastic, 50% des souches testées ont été tuées, ce résultat monte à 90% de souches tuées pour une concentration de 500 microgrammes par millilitre.

Et pour tout vous dire, c’est à une équipe de chercheurs japonais qui a découvert les deux composants de l’huile essentielle de la gomme de lentisque pistachier efficaces contre 4 souches d’Helicobacter pylori : l’a-terpineol et le (E)-methylisoeugenol.[7]

Alors je crois qu’on peut dire un grand « Arigatōgozaimasu » (merci, en japonais) à ces scientifiques !

Voilà pour la première « gomme » dont je voulais vous parler.

Une « gomme » qui ne se mâche pas (mais qui soulage le SII)

La seconde est un peu particulière.

Elle ne s’écoule pas d’une « blessure » causée au tronc d’arbre, mais est extraite des graines de cyamopsis à quatre ailes (Cyamopsis tetragonoloba) aussi appelé Haricot de guar.

Cette fibre est une réserve d’eau et d’aliments pour la plante.

Vous l’avez peut-être déjà rencontrée sur vos étiquettes, car cette fibre végétale est un additif agro-alimentaire connu de l’industrie alimentaire, on l’appelle… E412.

Mais ne vous fiez pas à cette utilisation. Les études qui portent sur la gomme de guar partiellement hydrolysée (PHGG, dans le jargon scientifique) montrent plusieurs effets positifs pour :

  • Les intestins constipés : Une dose de 5 à 7 g par jour suffit à améliorer la fréquence des selles pour des personnes constipées [8].
  • Les intestins irrités (syndrome de l’intestin irritable, SII) , 5 à 6 g de gomme de guar partiellement hydrolysée améliorent les symptômes cliniques (ballonnements, les habitudes intestinales normalisées) et la douleur[9]

On trouve la gomme de guar dans les magasins bio, car elle peut s’utiliser dans des préparations culinaires, mais elle se prend aussi en compléments alimentaires.

Pour le mastic, on peut en trouver sous forme de gomme à mastiquer, ou de poudre et complément alimentaire chez votre spécialiste. …

Ou directement ici, si vous avez l’occasion de voyager :

Sur l’île de Chios (Grèce) où le savoir-faire de la culture de « mastic » est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco en 2014[10].

Ça donne des envies de voyage, non ?

Santé !

Gabriel Combris

 

SOURCES :
[1] Bessède et coll. Helicobacter pylori generates cells with cancer stem cell properties via epithelial–mesenchymal transition-like changes. Oncogene, édition en ligne du 7 octobre 2013
[2] Ghaedi, Mohammad; Rezaee, Mohammad Ali; Fakhari, Shohreh; Ghorashi, Mehri; Pirmohamadi, Hosein; Doost, Rezgar Danesh; Rahmani, Mohammad Reza « Effects of ethanol extract of Commiphora myrrha gum against Helicobacter pylori and inhibition of proliferation of the human AGS cell line in vitro. », Journal of the Australian Traditional-Medicine Society . Winter2014, Vol. 20 Issue 2, p106-111. 5p.
[3] Mai Sherif, Rehab Kamel, Enjy Elmorsy, Sherifa K. Ahmed, « Role Of Boswellic Acid In The Treatment Of Peptic Ulcer Disease », Az. J. Pharm Sci. Vol. 60, September, 2019
[4] Sotirios Paraschos, Prokopios Magiatis, Sofia Mitakou, Kalliopi Petraki, Antonios Kalliaropoulos, Petros Maragkoudakis, Andreas Mentis, Dionyssios Sgouras, and Alexios-Leandros Skaltsounis, « In Vitro and In Vivo Activities of Chios Mastic Gum Extracts and Constituents against Helicobacter pylori », Antimicrobial Agents And Chemotherapy, Feb. 2007, p. 551–559 Vol. 51, No. 2 0066-4804/07/$08.000
[5] Mohammad Jamil Al‐Habbal, Zakaria Al‐Habbal, Farhad Umer Huwez, « A Double‐blind Controlled Clinical Trial Of Mastic And Placebo In The Treatment Of Duodenal Ulcer »,  Clinical and experimental pharmacology and physiology,
[6] P Marone 1, L Bono, E Leone, S Bona, E Carretto, L Perversi « Bactericidal activity of Pistacia lentiscus mastic gum against Helicobacter pylori », J Chemother. 2001 Dec;13(6):611-4.  doi: 10.1179/joc.2001.13.6.611.
[7] Tomofumi Miyamoto, Tadayoshi Okimoto, Michihiko Kuwano, « Chemical Composition of the Essential Oil of Mastic Gum and their Antibacterial Activity Against Drug-Resistant Helicobacter pylori », Nat. Prod. Bioprospect. (2014) 4:227–231 DOI 10.1007/s13659-014-0033-3
[8] Mahendra P.Kapoor, MasaakiSugita, YoshitakaFukuzawa, TsutomuOkubo , « Impact of partially hydrolyzed guar gum (PHGG) on constipation prevention: A systematic review and meta-analysis », Journal of Functional Foods, Volume 33, June 2017, Pages 52-66,
[9] Claudio Romano, Donatella Comito, Annalisa Famiani, Sabrina Calamarà, and Italia Loddo, « Partially hydrolyzed guar gum in pediatric functional abdominal pain » World J Gastroenterol. 2013 Jan 14; 19(2): 235–240. doi: 10.3748/wjg.v19.i2.235
[10] UNESCO – Le savoir-faire de la culture du mastiha à l’île de Chios – 9.COM 10.18