Chère lectrice, cher lecteur,

Au printemps 2018, un mouvement de panique a suivi les mises en garde de l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire, de l’Environnement et du Travail) au sujet de la mélatonine[1].

Les nouvelles recommandations de l’Agence faisaient suite à des signalements d’effets secondaires suite à la prise de mélatonine :

« Depuis la création du dispositif de nutrivigilance (en 2009, ndlr) et jusqu’en mai 2017, l’Anses a reçu 90 déclarations d’effets indésirables susceptibles d’être liés à la consommation de compléments alimentaires contenant de la mélatonine. Parmi celles-ci, 19 sont suffisamment complètes pour faire l’objet d’une analyse d’imputabilité. »

Traduit en français pour tout le monde, cela signifie que dans 19 cas, sur une période 8 ans, il était légitime de savoir si on pouvait attribuer les effets indésirables décrits (maux de tête, vertiges, irritabilité, nausées, vomissements et douleurs abdominales)[2] à la prise de mélatonine en complément alimentaire.

A ce stade, il convient de préciser qu’il se vend 1,4 millions de boîtes de mélatonine chaque année en France[3], et que le rapport des 19 cas potentiellement suspects sur le nombre de boîtes vendues en 8 ans est donc de 0,00000169 %.

Logiquement on aurait dû conclure d’un tel résultat que la prise de mélatonine, notamment en cas de troubles du sommeil, ne présentait PAS de risque particulier.

Mais vous vous en doutez, ce n’est pas DU TOUT ce qu’ont répercuté les médias officiels en évoquant l’affaire :

« Sommeil, alerte sur les effets secondaires de la mélatonine[4] », Femme actuelle

« Attention aux effets secondaires de la mélatonine »[5], Marianne

« Mélatonine : alerte sanitaire lancée par les autorités », France Info.

Voilà comment avec 19 boîtes qui, peut-être, auraient pu entraîner des troubles mineurs chez certaines personnes, on discrédite un remède naturel qui pourrait être bien utile aux insomniaques…

Pas de panique…

La mélatonine est, il faut le rappeler, une hormone produite par le cerveau, et dont le rôle est de moduler le cycle veille/sommeil.

Sa production augmente le soir et au cours de la nuit, contribuant à l’endormissement et au sommeil. Durant la journée, la lumière extérieure vient frapper la rétine de notre œil, indiquant au cerveau qu’il faut cesser la production de mélatonine.

Seulement avec l’âge, le niveau de mélatonine a tendance à diminuer et certaines personnes, après 60 ans, constatent qu’elles s’endorment plus vite et ont un sommeil de meilleure qualité lorsqu’elles prennent un complément de mélatonine avant de se coucher.

L’ensemble des synthèses et analyses publiées depuis 2001 pointe vers une réduction du temps nécessaire pour s’endormir (le temps de latence) chez les personnes souffrant d’insomnie[6][7].

Dans une étude américaine du MIT (Massachussets Institute of technology) de Boston, les chercheurs ont ainsi divisé en deux un groupe de 30 personnes (15 insomniaques et 15 non-insomniaques de plus de 50 ans), à qui ils sont donné soit un placebo, soit une dose variable de mélatonine (0,1, 0,3 et 3 mg)[8].

Cette étude démontre d’abord qu’il faut, chez des adultes de plus de 50 ans, ingérer 0,3 mg de mélatonine (et pas plus) pour ramener le taux de mélatonine à son niveau optimal (celui de l’adolescent et de l’adulte jeune)[9].

Les comprimés et capsules de mélatonine vendus dans le commerce sont bien plus dosés, jusqu’à 10 fois plus.

« A ces doses élevées, explique le Pr.Wurtma qui a conduit l’étude, la mélatonine cesse de fonctionner après seulement quelques jours d’utilisation. En effet, quand les récepteurs de mélatonine dans le cerveau sont exposés à un excès d’hormone, ils deviennent insensibles. »

Si vous avez plus de 50 ans, et que votre sommeil s’est détérioré alors que vous dormiez bien quand vous étiez plus jeune, vous pouvez faire l’essai de mélatonine à dose faible (0,3 mg 30 minutes avant de vous coucher).

Evidemment, il faut en discuter avec votre médecin.

Mais contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, il n’y a aucune raison de paniquer avec la mélatonine.

 

Un fabuleux antidouleur naturel : mais pourquoi l’interdire ?!

Surtout que, comme l’a révélé en France le nutritionniste Julien Venesson[10], la prise de compléments de mélatonine pourrait offrir des perspectives remarquables contre la… douleur :

« A la fin des années 1980, des premières études sur des souris, avaient permis à des chercheurs chinois et canadiens de remarquer que la perception de la douleur était variable selon différents moments de la journée. Plus faible la nuit, plus élevée la journée. Ils avaient alors formulé l’hypothèse que c’était la mélatonine qui expliquait ces différences ».

Dans une étude de 2005, des chercheurs de Singapour ont rassemblé une quarantaine d’adultes touchés par le syndrome du côlon irritable, souffrant de douleurs abdominales et des troubles du transit. La moitié des malades a reçu un complément alimentaire de mélatonine (3 mg) avant le coucher et l’autre moitié a reçu un placebo. Au bout de deux semaines, ceux qui avaient reçu l’hormone ont constaté une nette diminution des douleurs abdominales[11][12][13].

D’autres études ont souligné les résultats remarquables de la mélatonine utilisée comme antidouleur

  • Pour les femmes opérées d’une hystérectomie (ablation de l’utérus), la prise de 5 mg de mélatonine avant l’opération est aussi efficace que celle de clonidine, un antidouleur utilisé par les anesthésistes, et diminue de plus de 30% les besoins en morphine après la chirurgie[14].
  • En cas de fibromyalgie, la mélatonine à la dose de 10 mg est aussi efficace que l’amitriptyline (Laroxyl)[15][16].
  • En cas d’endométriose, la mélatonine diminue fortement les douleurs et améliore le sommeil, à la dose de 10 mg[17].
  • En cas de chirurgie de la cataracte, 10 mg de mélatonine pris 1h30 avant l’opération diminue nettement l’anxiété et la douleur[18].

Comme explication, les chercheurs soulignent que la mélatonine pourrait activer les récepteurs aux opiacés, c’est-à-dire les molécules dérivées de la morphine[19].

Il faut noter cependant qu’aujourd’hui en France, la mélatonine est interdite à la vente libre dès lors que la concentration est supérieur à 2mg.

Au-delà de cette concentration, elle devient un médicament, uniquement vendu sur ordonnance.

La vente libre, en revanche, est autorisée dans des pays comme les Etats-Unis ou le Canada.

Si vous l’utilisez pour les troubles du sommeil, n’hésitez pas à nous faire part de votre expérience en commentaire de cette lettre, cela profitera à tous !

Et pour retrouver d’autres conseils pour lutter contre l’insomnie, je vous renvoie également sur mes lettres précédentes consacrées à ce sujet sujet. L’alimentation du sommeil est accessible par ici ; retrouvez les compléments et les plantes pour mieux dormir par

Santé !

Gabriel Combris

 

Sources :

[1] https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2016SA0209.pdf

[2] L’ANSES a identifié des populations et des situations particulièrement à risque par rapport à ces effets secondaires : femmes enceintes ou allaitantes, enfants, personnes souffrant de maladies inflammatoires, auto-immunes, d’épilepsie, d’asthme, de troubles de l’humeur, du comportement ou de la personnalité.

[3]https://www.revmed.ch/RMS/2018/RMS-N-604/Alerte-francaise-sur-les-risques-de-la-melatonine-en-vente-libre

[4] https://www.femmeactuelle.fr/sante/news-sante/sommeil-alerte-melatonine-49268

[5] https://www.marianne.net/societe/medicament-pour-dormir-attention-aux-effets-secondaires-de-la-melatonine

[6] Brzezinski A, Vangel MG, et al. Effects of exogenous melatonin on sleep: a meta-analysis. Sleep Med Rev. 2005 Feb;9(1):41-50.

[7] Buscemi N, Vandermeer B, et al. The efficacy and safety of exogenous melatonin for primary sleep disorders. A meta-analysis. J Gen Intern Med. 2005 Dec;20(12):1151-8.

[8] in Les Dossiers Santé et Nutrition, Mai 2012.

[9] Zhdanova IV : Melatonin treatment for age-related insomnia. J Clin Endocrinol Metab. 2001 Oct;86(10):4727-30.

[10]https://www.julienvenesson.fr/melatonine-un-antidouleur-meconnu-que-la-france-veut-interdire/

[11] Song GH, Leng PH, Gwee KA, Moochhala SM, Ho KY. Melatonin improves abdominal pain in irritable bowel syndrome patients who have sleep disturbances: a randomised, double blind, placebo controlled study. Gut. 2005 Oct;54(10):1402-7.

[12] Chojnacki C, Walecka-Kapica E, Lokieć K, Pawłowicz M, Winczyk K, Chojnacki J, Klupińska G. Influence of melatonin on symptoms of irritable bowel syndrome in postmenopausal women. Endokrynol Pol. 2013;64(2):114-20.

[13] Mozaffari S, Rahimi R, Abdollahi M. Implications of melatonin therapy in irritable bowel syndrome: a systematic review. Curr Pharm Des. 2010;16(33):3646-55.

[14] Caumo W, Levandovski R, Hidalgo MP. Preoperative anxiolytic effect of melatonin and clonidine on postoperative pain and morphine consumption in patients undergoing abdominal hysterectomy: a double-blind, randomized, placebo-controlled study. J Pain. 2009 Jan;10(1):100-8.

[15] de Zanette SA, Vercelino R, Laste G, Rozisky JR, Schwertner A, Machado CB, Xavier F, de Souza IC, Deitos A, Torres IL, Caumo W. Melatonin analgesia is associated with improvement of the descending endogenous pain-modulating system in fibromyalgia: a phase II, randomized, double-dummy, controlled trial. BMC Pharmacol Toxicol. 2014 Jul 23;15:40.

[16] Citera G, Arias MA, Maldonado-Cocco JA, Lázaro MA, Rosemffet MG, Brusco LI, Scheines EJ, Cardinalli DP. The effect of melatonin in patients with fibromyalgia: a pilot study. Clin Rheumatol. 2000;19(1):9-13.

[17] Schwertner A, Conceição Dos Santos CC, Costa GD, Deitos A, de Souza A, de Souza IC, Torres IL, da Cunha Filho JS, Caumo W. Efficacy of melatonin in the treatment of endometriosis: a phase II, randomized, double-blind, placebo-controlled trial. Pain. 2013 Jun;154(6):874-81.

[18] Ismail SA, Mowafi HA. Melatonin provides anxiolysis, enhances analgesia, decreases intraocular pressure, and promotes better operating conditions during cataract surgery under topical anesthesia. Anesth Analg. 2009 Apr;108(4):1146-51.

[19] Zurowski D, Nowak L, Machowska A, Wordliczek J, Thor PJ. Exogenous melatonin abolishes mechanical allodynia but not thermal hyperalgesia in neuropathic pain. The role of the opioid system and benzodiazepine-gabaergic mechanism. J Physiol Pharmacol. 2012 Dec;63(6):641-7.