Chère lectrice, cher lecteur,

Regardez votre main un instant.

Et maintenant, permettez-moi de vous poser une question un peu étrange :

Quel est son état d’esprit ?

Oui je parle bien de l’« état d’esprit » de votre main !?

Vous allez comprendre…

La main peut servir de barrière, la main qui écarte. Main qui dit stop, halte, main de la peur, de la défense ou de la colère. Main nécessaire parfois, pour figer un danger, et à terme, dépasser une situation de conflit.

La main peut aussi accompagner par le dessus, la main qui adoube, qui consacre. Main du pouvoir, du puissant, du rapport de force.

Et puis la main peut accompagner par le dessous, c’est la main qui porte, qui aide à l’envol. La main du don et celle du soin.

Cette « troisième main »…qui nous permet de vivre notre humanité dans sa plénitude.

« Être humain, c’est être dirigé vers autre chose que soi-même, qu’il s’agisse d’un but à atteindre ou de quelqu’un à connaître et à aimer » écrivait le neurologue Viktor Frankl.

Il s’agit alors de recourir à la « capacité purement humaine de s’élever au-dessus de soi-même, car plus on s’oublie soi-même en se consacrant à une cause où à une personne qu’on aime, plus on est humain et plus on se réalise ».

Dans les temps difficiles, dans l’épreuve ou même la maladie, il n’est pas inutile de se demander si la « main » qu’on adresse au monde est la bonne.

Car il faut avoir conscience des bienfaits immenses et bien réels que cette main « tournée vers l’autre » libère en nous :

    • Des psychologues anglais ont montré que les personnes à qui ils avaient demandé d’éprouver chaque jour un peu reconnaissance retrouvaient un meilleur sommeil et une tension artérielle abaissée en seulement deux semaines, par rapport à un groupe de contrôle1
    • La psychologue américaine Barbara Fredrickson a montré que le système immunitaire des individus en quête d’un bonheur « eudémonique » (qui passe par la recherche d’un sens à leur vie, d’engagement et de lien avec les autres) était plus développé que celui de ceux qui préfèrent un bonheur hédonique (à la recherche d’une satisfaction personnelle).

D’autres scientifiques, en effectuant des prélèvements sanguins sur 80 volontaires en bonne santé ont, ont observé qu’en cas d’altruisme, les gènes inflammatoires baissent et les gènes antiviraux augmentent, afin de protéger le corps.

Au contraire, il faut savoir qu’une personne seule, sans relations sociales, se défend moins efficacement contre un virus et produit une quantité accrue de molécules associées à l’inflammation qu’une personne bien entourée. 

Dans une étude sur les effets de la séparation conjugale, des chercheurs ont comparé un groupe de 38 femmes mariées à un groupe de 38 femmes divorcées.

Les résultats montrent que ces dernières ont des capacités immunitaires réduites, mesurées par leur taux de cellules NK (cellules de l’immunité innée)2 inférieurs au groupe des femmes mariées.

Preuve que la présence sincère à l’autre raffermit notre force intérieure, et notre propre capacité de défense.  

Et si on redevenait dépendants ?

Dans un monde qui survalorise l’in-dépendance, c’est peut-être au contraire notre dépendance qu’il faudrait ré-apprendre à valoriser : dépendance à la nature,  aux générations qui nous ont précédées, à celles qui nous suivront, et bien sûr, dépendance à l’autre, notre frère en humanité.

N’est-ce pas d’ailleurs ce que cette expérience de confinement nous fait si profondément re-ssentir : que nous dépendons si puissamment les uns des autres.

Et qu’ouvrir notre main… est la source vraie du bonheur.  

Expérience intéressante pour ceux qui croient (sincèrement) que « l’enfer, c’est les autres »

Le Professeur Emmons, de l’université de Californie, a conduit une étude où il a réparti plusieurs centaines de personnes en trois groupes avec des pratiques différentes :

    • Le premier groupe devait noter chaque semaine cinq évènements positifs vécus par les individus, pour lesquels ils pouvaient être reconnaissants ;
    • Le second groupe devait faire la liste des choses « irritantes » de la vie quotidienne, des évènements qui les ont tracassés ; 
    • Le troisième groupe devait simplement recenser les évènements notables de la semaine, ceux qui avaient eu un impact sur leur quotidien.

Au bout de 3 mois, les membres du premier groupe (« gratitude ») présentaient l’état général le plus enthousiaste, positif et optimiste sur l’avenir.

Surtout, ils avaient moins de problèmes de santé et s’étaient mis à faire davantage d’activité physique (une heure et demie de plus par semaine !), avec là-aussi des conséquences positives sur leur état général.

Et lorsque le Professeur Emmons a reproduit son test avec des personnes affectées de maladies neuro-musculaires graves et dégénérescentes, il a constaté les mêmes résultats :  

Les membres du groupe « gratitude » ressentaient non seulement un sentiment de bien-être plus élevé que les autres, mais leur sommeil était plus long et de meilleure qualité.

Et il y a encore plus étonnant…

La gratitude va jusqu’à soigner votre cœur !

Dans une étude sur près de 200 personnes souffrant d’une maladie cardiaque, des chercheurs américains ont demandé à un groupe de tenir un journal des évènements dont ils pouvaient être reconnaissants, leur niveau d’inflammation a reculé au bout de deux mois, et leur rythme cardiaque s’est amélioré3.

Au total, leur risque cardiaque était devenu inférieur à ceux qui n’avaient pas tenu de journal4.

L’explication n’est pas tranchée, mais la gratitude permettrait entre autres de réduire le stress, dont on sait qu’il peut agir comme déclencheur d’un événement cardiaque majeur.5

Le trésor de la dépendance

Ces liens invisibles et bien réels qui nous relient les uns aux autres, c’est le trésor de la dépendance.  

C’est cette belle idée, si paradoxale en apparence (qui affirme « vouloir dépendre des autres ??? »), que l’on retrouve dans le conte philosophique Jonathan Le Goéland, que je vous conseille vivement si vous ne l’avez pas déjà lu.

Arrivé après des années d’entraînement à la plus parfaite maîtrise de son vol, le goéland comprend que le dépassement de soi n’a rien à voir avec la maîtrise technique ou l’esprit de compétition, si présent dans nos sociétés.  

Faire mieux, plus fort, plus loin, réaliser ce que personne n’a fait avant vous, cela n’a pas de sens en soi.

L’exploit, même, a-t-il un intérêt ?  

Jonathan, lui, comprend qu’il existe quelque chose de beaucoup plus fort.

Quelque chose qu’il découvre au moment de transmettre son savoir à d’autres goélands, d’apprendre à d’autres oiseaux avides à leur tour de prendre leur envol : l’amour de son prochain.

La plus puissante de toutes les vitamines qu’on puisse avaler. Le plus « doué » de tous les médecins.   

Pensons-y (un peu) quand il s’agit de choisir la main qu’on présente au monde…surtout dans ces temps si peu ordinaires !

Santé !

Gabriel Combris

PS. Je profite de cette lettre pour vous signaler des initiatives qui peuvent être très utiles pendant cette période de confinement :

– J’ai découvert grâce au docteur Martine Gardénal un site très intéressant qui vous propose des séances de yoga, de méditation, de respiration d’automassage relaxant ou d’exercices physiques réaliser chez soi. Les vidéos sont simples et très bien expliquées par Véronique, sur la chaîne « Zen et belle à tout âge » : https://www.youtube.com/channel/UCsFaKJExErtnJ_2ES7pa1gA

– Concernant le deuil, rendu encore plus difficile avec le confinement, des bénévoles ont mis en place un site d’écoute pour aider à vivre le mieux possible cette période où nous pouvons être privés d’adieux à nos proches. https://mieux-traverser-le-deuil.fr/

Et bien sûr, si vous avez entendu parler d’autres initiatives intéressantes pour la santé physique ET mentale, n’hésitez pas à nous les faire connaître en commentaire de cette lettre. Un grand merci !

 

Sources :

[1] http://hpq.sagepub.com/content/early/2015/02/27/1359105315572455.abstract

[2] Les cellules Natural Killer (NK) font partie de la première ligne de défense de l’organisme. Elles sont capables de tuer sélectivement les cellules tumorales ou infectées par des microbes tout en sécrétant des cytokines, qui stimulent et orientent la réponse des lymphocytes B et T.

[3] http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26203459

[4] www.npr.org/sections/health-shots/2015/11/23/456656055/gratitude-is-good-for-the-soul-and-it-helps-the-heart-too

[5] Steptoe A, Kivimäki M. Stress and cardiovascular disease: an update on current knowledge. Annu Rev Public Health. 2013;34:337-54