Chère lectrice, cher lecteur,

Vous connaissez le proverbe : « calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ».

Eh bien il arrive que ce quelque chose devienne si énorme avec le temps, qu’il soit presque impossible de rétablir la vérité.

C’est ce qui est arrivé avec l’histoire du gras dans l’alimentation.

Le docteur Vincent Reliquet a raconté dans la revue Révolution Santé comment, sur la base des études falsifiées du scientifique américain Ancel Keys1, on a fabriqué de toute pièce un lien entre consommation de graisse alimentaire et mortalité.

Gras = cholestérol, surpoids, accident cardiaque, AVC

L’équation était fausse, mais elle s’est inscrite pour longtemps dans les esprits (les études de Keys datent…des années 50 !!!).

Et c’est ainsi que le gras est devenu une sorte de bras droit du croque-mort, et que la lutte contre les graisses a été l’alpha et l’oméga des stratégies nutritionnelles officielles.

De 1965 à 2011, la part des graisses dans l’alimentation est ainsi passée de 45% à 34% des apports énergétiques journaliers, remplacées par des glucides (pain, pâtes, etc.), dont la part a augmenté de 39% à 51%.

Le résultat est aujourd’hui visible partout : surpoids, obésité, diabète.

Le pourcentage de personnes obèses est passé en 20ans de 42% à 66% aux Etats-Unis.

Il a doublé pour atteindre 15 % de la population en France, où le poids moyen des hommes a augmenté de plus de 5kilos depuis les années 702.

Manger moins gras : l’assurance de grossir et tomber malade !

Conclusion : manger moins gras est un régime qui non seulement fait grossir, mais qui EN PLUS rend malade.

On sait cela depuis très longtemps :

  • Dès 1969, une étude américaine d’ampleur, la Los Angeles Diet Trial, avait montré qu’un régime pauvre en graisses augmentait significativement le nombre de cancers3.
  • On se souvient bien sûr, au début des années 90, de l’étude de Lyon du Dr de Lorgeril, assisté de Serge Renaud et de Patricia Salen, qui s’étaient fixé comme but de tester l’efficacité d’un régime anti-cholestérol classique (réduire les graisses) contre un modèle « révolutionnaire » pour l’époque, le régime méditerranéen, au contraire riche en graisses :

« La population étudiée relevait du très haut risque cardio-vasculaire, puisque ne pouvaient rentrer dans l’étude que des patients ayant déjà subi un infarctus. »

« L’étude devait durer 5 ans. Au bout de 27 mois les différences de survie furent tellement nettes que l’équipe de recherche demanda à d’autre épidémiologistes de tenter de débusquer une anomalie dans leur méthodologie mais rien ne leur fut reproché. »

« En 1999, les résultats officiels définitifs furent publiés dans le Lancet : après quatre ans de suivi, les patients ayant adopté le régime méditerranéen avaient réduit de 50 à 70 % leur risque de nouvelles complications cardio-vasculaires ! » 4

  • Une étude parue dans le Journal of the American Heart Association va encore plus loin : le cardiologue américain Dariush Mozaffarian y estime que 50 000 Américains meurent de maladies cardiaques chaque année en raison de leur faible consommation de graisses5.

Voilà la réalité : manquer de graisses est une catastrophe pour la santé.

Attention on parle évidemment des « bonnes graisses ».  

Pour s’y retrouver, c’est très simple. Il faut retenir qu’il y a trois types de graisses6:

  • Les acides gras trans. En un mot : de la cochonnerie qu’on met dans les biscuits, les pâtisseries et les pains industriels, les margarines, etc.  

C’est la grosse Bertha de la modification chimique : leur fabrication implique une haute pression, une forte température, un catalyseur métallique et du gaz hydrogène. Miam !

De plus, les fabricants utilisent en général les huiles végétales de la plus mauvaise qualité pour les produire.

Dans ces conditions, on ne s’étonnera pas que les graisses trans augmentent aussi bien le risque de maladies cardiaques7 (l’étude Framingham sur le Cœur a montré par exemple que les personnes qui remplacent le beurre par de la margarine ont PLUS de risques de mourir d’une maladie du cœur8 ) que de cancers.

  • Les acides gras saturés, d’origine animale (beurre, crème, saindoux ou graisse de porc, suif ou graisse de boeuf, graisse d’oie, de canard, etc.) ou végétale (huile de noix de coco, huile de palme), ne sont PAS mauvais.   

Deux études publiées dans des revues médicales prestigieuses (l’American Journal of Clinical Nutrition  et le British Medical Journal10) ont passé en revue toutes les données sur ce sujet et sont arrivées à la même conclusion : les graisses saturées ne sont pas dangereuses pour le cœur.

En fait, les graisses saturées sont peu sensibles à l’oxydation, ce qui les rend très stables à la chaleur où elles sont moins susceptibles de produire des composés cancérigènes. Le beurre ou la graisse de coco sont donc excellents pour la cuisson.

  • Les acides gras polyinsaturés (oméga-3 et oméga 6 notamment), qui sont excellents pour la santé.

Les oméga-3 (présents dans les petits poissons gras, l’huile d’olive, de lin, de colza, les noix etc.) réduisent le risque de maladies liées aux inflammations11.

Le point d’attention est que nous avons besoin d’une quantité équilibrée d’oméga-6 et d’oméga-3. Ainsi le rapport entre les oméga-6 (acide linoléique), et les oméga-3 (acide alpha-linolénique) devrait être de 4/1, alors qu’il dépasse actuellement 20/11213 .

Ce déséquilibre peut avoir des conséquences désastreuses pour notre santé :

  • Il augmente le risque d’infarctus : plusieurs études ont montré que la consommation d’huiles végétales riches en omégas-6 favorise les maladies cardiaques ;
  • Il accélère le vieillissement et favorise les maladies inflammatoires chroniques (arthrose, diabète, etc.). La raison est que l’excès d’omégas-6 dégrade les cellules de notre corps en les soumettant à un « stress oxydatif » qui les conduit à rouiller progressivement ;

Voilà pourquoi vous devez veiller à respecter un bon l’équilibre entre omégas-6 et omégas-3 dans votre alimentation.

Précisons par exemple que l’huile de tournesol a un ratio catastrophique de 71 pour 1 ; idem pour l’huile de pépin avec un ratio de 72 pour 1 !!! L’huile de maïs de 57 pour 1.

Ajoutez à cela le fait que ces huiles sont généralement extraites à haute température ou à l’aide de solvants pétro-chimiques, vous comprendrez pourquoi le rédacteur scientifique Xavier Bazin recommande à leur sujet « la fuite à tout prix ».

Allez-y franchement avec les (bonnes) huiles

Maintenant j’aimerais finir sur une note d’optimisme.

Car après des années de grand n’importe quoi dans les recommandations officielles, les choses évoluent aujourd’hui dans le bon sens.

En Suède par exemple, les experts du Conseil pour l’évaluation des technologies de la santé ont rendu un rapport intitulé « Traitement nutritionnel de l’obésité » qui réhabilite les régimes pauvres en glucides pour perdre du poids (privilégier ceux à index glycémique bas comme la patate douce, les lentilles, haricots rouges et blancs et le riz basmati en lieu et place du pain et des pommes de terre).

Et vous savez le mieux ? Même en France, les recommandations changent, c’est dire !

Après des années à avoir conseillé les glucides et de limiter les matières grasses, le Programme National de Nutrition Santé (PNNS) conseille désormais de se tourner vers les huiles d’olive, de colza et de noix14.

On peut aussi ajouter l’huile de lin ou de soja.

Maintenant, à quelle dose ? Le spécialisé site lanutrition.fr15 recommande la prise de 2 à 4 portions de matières grasses ajoutées par jour.

Donc dans le cas des huiles, 2 à 4 cuillères à soupe par jour. C’est la dose qui vous permet d’avoir une alimentation bien proportionnée, avec un peu plus de 15 % de matières grasses ajoutées .

A quand la nomination d’un général « Cuisson » ?

Nous avons dit deux mots plus haut de la cuisson, un sujet absolument fascinant où la connaissance scientifique est loin d’être figée.

Il faut savoir que les huiles « ne sont pas égales devant la cuisson ».

Pour l’huile de lin, c’est simple : elle ne la supporte pas.  

L’huile de colza peut être portée à température moyenne – jusqu’à 160°.

L’huile d’olive supporte mieux la cuisson. Elle est stable jusqu’à 180 degrés, puis commence à perdre ses propriétés au-delà.

A plus haute température, on l’a dit, c’est l’huile de coco qu’il faut utiliser.

Mais n’oubliez pas que les cuissons douces sont les meilleures pour la santé, l’idéal étant même celles à basses température – en-dessous de 100°- par exemple à la vapeur ou à l’étouffée.

Ma recommandation, si on était un peu sérieux dans ce pays, est qu’on devrait d’ailleurs nommer un « Général Cuisson » tant le champ d’investigations sur le sujet est immense et les conclusions sur notre santé sont importantes (je vous reparlerai des particules de Maillard dans une prochaine lettre).

Mais que voulez-vous, dans les hautes sphères, personne ne me demande jamais mon avis !

Je le donne quand même : vive le gras et…

…Santé !

Gabriel Combris

 

Sources :

 

1 – A ce sujet voir le dossier du Dr Vincent Reliquet « Cholestérol, le mal-aimé qui vous veut du bien » dans le numéro de Mai 2019 de Révolution Santé. Il y revient sur l’étude truquée d’Ancel Keys, qui « démontrait » une relation « quasi- exponentielle entre quantité de graisse alimentaire et mortalité ! La supercherie scientifique sera mise à jour après sa mort quand on a eu accès à ses archives. Keys ayant sciemment sélectionné 6 pays qui correspondaient exactement à son souhait de démonstration parmi les 22 qu’il avait étudiés au départ.

2 – https://www.20minutes.fr/economie/552121-20090704-economie-a-quoi-ressemble-le-fran-ccedil-ais-moyen

3 – Seymour D. et al. A controlled clinical trial of a diet high in unsaturated fat in preventing complications of atherosclerosis, Circulation, 1969; 40: II-1-II-63.

4 – Dr. Vincent Reliquet, revue Révolution Santé, mai 2019.
5 – https://nutrition.tufts.edu/profile/faculty/dariush-mozaffarian

6 – Allez sur https://www.passeportsante.net/fr/Actualites/Dossiers/ArticleComplementaire.aspx?doc=gras_satures_insatures_do pour un dossier ultra-complet sur le sujet

7 – Attia-Skhiri N, Fournier N, Pourci ML, Paul JL. Trans fatty acids: effects on lipoprotein metabolism and cardiovascular risk – Ann Biol Clin (Paris). 2009 Sep-Oct;67(5):517-23.

8 – http://authoritynutrition.com/butter-vs-margarine

9 – Patty W Siri-Tarino, Qi Sun, Frank B Hu, and Ronald M Krauss. Meta-analysis of prospective cohort studies evaluating the association of saturated fat with cardiovascular disease. Am J Clin Nutr January 2010 ajcn.27725

10 – Saturated fat is not the major issue. BMJ 2013;347:f6340.
11 – N-3 polyunsaturated fatty acids in coronary heart disease: a meta-analysis of randomized controlled trials

12 –  Kris-Etherton PM, Harris WS, Appel LJ. Fish consumption, fish oil, omega-3 fatty acids, and cardiovascular disease. Circulation. 2002 Nov 19;106(21):2747-57

13 – Simopoulos AP. Essential fatty acids in health and chronic disease. Am J Clin Nutr. 1999 Sep;70(3 Suppl):560S-569S

14 – https://www.lanutrition.fr/bien-dans-son-assiette/bien-manger/les-recommandations-de-lanutrition.fr/les-recommandations-nutritionnelles-officielles

15 –  https://www.lanutrition.fr/bien-dans-son-assiette/aliments/matieres-grasses/les-matieres-grasses-ajoutees

16 – Une personne qui dépense 2 250 calories par jour a un besoin en graisses d’environ 740 calories (un tiers). Parmi ces graisses, la moitié (370 calories) doivent provenir des matières grasses ajoutées. Or quatre cuillères à soupe d’huile d’olive représentent 40 grammes de graisse, soit 360 calories)