Chère lectrice, cher lecteur,

La beauté sauvera-t-elle le monde ? demande un des personnages de Dostoïevski dans son roman L’Idiot.

Lui pense que non1…que cette simple idée fait « pitié ».

Mais si on me demande mon avis, je dirais qu’il se trompe.

Car non seulement, le beau est à la portée de chacun, mais c’est surtout vous allez voir, une façon originale, subtile, et efficace…de se soigner!

D’abord oui, la beauté nous transforme réellement de l’intérieur.

Regardez la musique par exemple.

En simplement quelques secondes, certaines notes sont capables d’allonger notre monde intérieur, de le rendre plus vaste, plus beau.

Pour moi ce qui marche en ce moment, c’est un concerto de JS Bach, un passage en particulier2 (la référence est au bas ce message).

Vous sentez quelque chose qui grandit en vous, un sentiment mêlé de puissance et d’apaisement, une impression de force…

Fini, l’esprit aseptisé, étouffant sous les lois et les règlements, les interdits, les obligations, les sanctions et les prudences.

Bienvenue dans le monde en grand, en gigantesque, celui qui ouvre les portes de la liberté sur le ciel et l’univers tout entier.

Un monde où l’on est en vie, chaque instant de sa vie.

Voilà ce que font vibrer en moi ces notes extraordinaires.

Écoutez-les à votre tour. Peut-être vous laisseront-elles de marbre ? Ou peut-être que vous que vous ressentirez vous aussi cette intensité qui réchauffe si fort l’âme.

Et cela s’expliquerait parfaitement :

L’écoute de la musique modifie la biochimie du cerveau, avec des conséquences concrètes sur tout notre corps.

Des chercheurs américains ont démontré par imagerie cérébrale, qu’une musique plaisante « déclenchait » le système de récompense de notre organisme.

Exactement comme le font d’autres stimuli.

D’autres recherches, menées sur la vigne ou sur les tomates, ont montré que la musique aidait les plantes à produire certaines protéines essentielles pour lutter efficacement contre des virus et des moisissures !3

Mais la musique n’est évidemment pas la seule capable d’un tel exploit.

Certains tableaux, les pages les plus émouvantes de la littérature ou de la poésie peuvent faire naître la même sensation, ouvrir les mêmes portes sur un monde de beauté et de paix.

Les plantes aussi. Il suffit de sentir une feuille, une tige, de soupeser dans sa main cette beauté fragile, et alors un profond sentiment de pureté rejaillit en nous, malgré la violence du monde extérieur.

Car la beauté n’est pas un simple état ; elle est un remède.

Lorsque nous la cherchons, lorsque nous la trouvons, alors nous augmentons réellement nos chances d’aller mieux, voire de guérir.

J’ai lu récemment l’histoire d’une jeune étudiante de 25 ans, qui souffrait de troubles alimentaires traités sans succès jusqu’alors, et qui est allée voir une psychologue ayant développé ce soin par le beau.

« L’émotion esthétique suscitée par la beauté d’une musique, d’un tableau ou même d’un paysage, favorise la production d’hormones bénéfiques comme la dopamine ou la sérotonine. Certains soignants n’hésitent plus à la prescrire en… cure ».4

La thérapeute lui a proposé d’abord de lui vaporiser sur le poignet un parfum qu’elle aimait.

Puis, elle lui a demandé de choisir une musique qu’elle voudrait entendre. Et enfin, de s’absorber dans l’écoute de l’extrait.

L’effet a été saisissant.

« J’ai éprouvé une sensation d’expansion au niveau du coeur et du plexus solaire », raconte la jeune fille.

« Alors que la nourriture occupait toute la place dans mon esprit, la beauté de ces notes que je n’avais encore jamais écoutées avec autant de conscience, m’a déconnectée de tout. Le temps qu’a duré le morceau je n’étais plus dans la lutte ».

« Quelque chose s’allégeait en moi. Et il y a eu comme un déclic. J’ai compris que je n’étais pas prisonnière de mes crises de boulimie. Que je pouvais stopper l’engrenage. Qu’il y avait tellement de choses beaucoup plus belles à ressentir

Depuis cette séance, elle a totalement transformé ses habitudes de vie.

« Je me suis mise à faire d’avantage attention à ce qui se passe autour de moi. À être en éveil sensoriel face à la beauté qui nous entoure. Et mes crises ont presque disparu ».

Certains scientifiques « purs et durs » considèrent qu’ il s’agit d’une approche farfelue.

On leur répondra que cela s’explique pourtant…scientifiquement :

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a souligné dans une méta-étude réalisée en 2019, le rôle majeur joué par les activités artistiques dans la prévention et le traitement des maladies.

Allant jusqu’à les considérer, dans certains cas, comme « plus efficaces que les traitements biomédicaux standards » !

Pour expliquer cette efficacité, le neurologue Pierre Le Marquis rappelle notamment que, chez les indiens Navajos, « la maladie résulte de la perte d’équilibre entre le micro et macrocosme ».

Et que le rituel pour obtenir la guérison prend le nom de « voie de la beauté ».

Il associe des chants, des danses et des peintures réalisées sur le sable avec des pigments que « l’homme médecine » applique sur le corps du malade après les avoir prélevés avec ses mains humectées.

Ainsi la beauté devient un chemin de guérison et d’apaisement car elle réunit le corps à l’esprit. Et redonne à l’individu sa dimension entière.

Il est alors possible de vivre l’instant et de retirer le meilleur de chaque situation.

De remplir ce désir d’être qui se nourrit de tout ce qui fait le fondement de notre aspiration : l’irrésistible besoin de sensations, d’émotions, de réceptions, de dons et de communion – qu’en réalité un seul mot est capable d’englober : amour.

L’amour…

La grande, la vraie, la principale affaire de l’humanité depuis le début.

L’amour qui frappe à tous les coeurs, ceux des puissants comme des petits, des malades comme des biens portants, tout le monde au même tarif.

Et qui seul est capable d’ouvrir les portes du ciel, du gigantesque, de l’infini.

Gabriel Combris


Sources :

 

  1. « Est-il vrai, prince, que vous avez dit un jour que la ‘beauté’ sauverait le monde ? Messieurs… le prince prétend que la beauté sauvera le monde. Et moi je prétends que, s’il a des idées aussi folâtres, c’est qu’il est amoureux… Ne rougissez pas, prince ! Vous me feriez pitié. Quelle beauté sauvera le monde ?” (Dostoïevski, L’Idiot).
  2. https://www.youtube.com/watch?v=vLY6gMiJWCk&list=RDvLY6gMiJWCk&start_radio=1 ; à partir de 5minutes et 10 sec.
  3. https://www.airzen.fr/cette-entreprise-francaise-veut-soigner-les-plantes-par-la-musique/
  4. https://www.lesechos.fr/weekend/perso/quand-le-beau-se-prescrit-sur-ordonnance-1880032