Chère lectrice, cher lecteur,

Je m’étonne toujours des personnes qui prennent Hildegarde de Bingen pour une « aimable religieuse » du Moyen-Âge, une femme un peu « perchée » avec ses visions divines qui lui auraient dicté sa connaissance du pouvoir médicinal des plantes, notamment.

Le genre qui ne ferait pas de mal à une mouche.

Eh bien je crois que ce n’est pas du tout la Hildegarde de Bingen que l’on rencontre quand on prend la peine de faire vraiment sa connaissance.

La petite religieuse est une coriace, une cogneuse qui affiche une détermination sans faille quand il s’agit de remettre à leur place les vaniteux et les puissants de son temps.

Est-ce totalement absurde ?

Dans son esprit, le monde vit en permanence dans un équilibre instable entre le bien et le mal. Et l’humanité toute entière est toujours en risque de sombrer dans les ténèbres.

« Pour Sainte Hildegarde, les forces du mal sont toujours à deux doigts d’étouffer celles du bien. Pour elle, la magie noire fait appel aux pulsions les plus sombres de l’être humain : luxe, ambition, orgueil, richesse. »

« Et bien des fois elle s’est heurtée à des princes, des évêques et même des empereurs car elle considérait qu’ils étaient dominés par des forces négatives. » [1]

Les forces négatives qui déséquilibrent le monde, qui le font basculer les hommes vers le mal, et les corps vers…la maladie.

Est-ce totalement absurde ?

J’entends déjà les rationalistes contemporains, les docteurs ès-sciences de plateaux de télévision, rejeter avec dédain les visions de Sainte-Hildegarde.

Et pourtant, il me semble qu’elles expliquent mieux que beaucoup de choses le désastre que font les émotions négatives sur notre santé mentale et physique.

Le désastre contemporain des émotions négatives

La psychologue américaine Susan Nolen-Heksema, professeur à l’université du Michigan, a découvert lors d’une étude sur 3000 personnes que 63 % des jeunes adultes et 52 % des personnes de plus de 40 ans ont régulièrement ces « ruminations » mentales qu’Hildegarde appelait des « illusions », des images récurrentes qui mettent mal à l’aise et dont on ne peut se débarrasser.

Pour la chercheuse, c’est une « manifestation d’hypersensibilité » qui entraîne « des torrents de préoccupations », et qui peut conduire à la dépression ou à l’angoisse chronique. [2]

Pour lutter contre ces ruminations, Hildegarde avait une technique assez « spéciale » : Elle recommandait de prendre une peau d’élan et une peau de chevrette.

« De les unir « de façon à en faire une large ceinture », puis de planter un clou sur la partie de la ceinture qui recouvre le ventre et de dire « Par la très grande force de Dieu tout puissant, je te conjure de me protéger ».

Puis il faut planter un deuxième clou, dans le dos cette fois, et dire « Par la très grande force du Dieu créateur, je t’établis pour ma protection ».

Enfin, il faut faire la même chose en plantant deux clous sur les côtés. »

J’ignore si Hildegarde tapait fort sur ses clous, mais cela rejoint en tout point les bienfaits de l’exercice physique soutenu pour se « vider la tête ».

Sinon, quand elle ne plantait pas des clous, Hildegarde « priait ».

Notre monde lui, préfère « méditer ». Alors méditons.

La première technique consiste à poser son esprit ici et maintenant.

C’est ce qu’on appelle la méditation pleine conscience.

Cela consiste, régulièrement  à s’arrêter de faire, et à se concentrer sur ce que nous sommes :

  • Se concentrer sur son cœur qui bat,
  • Ecouter sa respiration,
  • Sentir ses membres, ce qu’ils sont en train de faire.
  • Ecouter les bruits, les disséquer, les « vivre ».
  • Etc

Les études montrent que ces petits décrochages, même très court nous familiarisent avec notre monde intérieur et diminuent le risque de dépression ou d’anxiété chronique.

Les émotions, c’est un peu « gênant »

Si je vous parlais d’Hildegarde au début de cette lettre, c’est qu’elle est l’antithèse de l’approche actuelle sur le sujet des émotions (peur, tristesse, joie), observées avec un mélange de gêne et de distance.

Comme si la médecine disait : « mais ce n’est pas scientifique, les émotions ! ».

En tout cas, cela n’empêche pas l’industrie pharmaceutique de vendre chaque année en France quelques 150 millions de boîtes d’anxiolitiques (Valium, Xanax, Lexomil, etc.) à des patients inquiets, tristes, effrayés, bref, débordés par leurs émotions.

Avec des conséquences alarmantes :

  • Une étude publiée récemment dans le British Medical Journal, montre que chez les plus de 66 ans, une consommation de benzodiazépines pendant plus de 3 mois augmente de 51% le risque de développer une maladie d’Alzheimer.
  • En 2016 une étude du Dr Daniel Kripke, de l’Université de Californie, se concluait ainsi : « L’utilisation de médicaments hypnotiques est associée à un risque grandement accru de mortalité toutes causes confondues» [3]

Est-ce vraiment la bonne solution ?

Il existe en tout cas d’autres façons de voir.

Une autre approche des émotions

La médecine chinoise, elle, propose une approche radicalement différente, qui souligne l’influence fondamentale des émotions sur notre santé.

Elle les considère comme faisant partie intégrante de notre physiologie.

Certaines sont comme des substances produites par le corps, au même titre que le sang par exemple.

Les émotions participent à notre adaptation au monde, à notre équilibre intérieur (corps-esprit) :

  • La joie (xǐ ) est produite par le cœur. C’est l’émotion de la santé, de la bonne humeur, de la détente. Elle favorise la circulation du qì (énergie vital) et du sang, détend l’esprit et favorise la paix intérieure si nécessaire à l’activité de l’esprit, de l’énergie et du jīng (principe vital).
  • La colère (nù ) est produite par le foie. C’est une réaction naturelle de défense contre un danger ou une menace. Si celle-ci servit à nos ancêtres pour échapper aux hostilités de leur environnement, aujourd’hui elle est à l’origine de toute compétitivité et permet de nous extérioriser.
  • La tristesse (bēi ) est produite par le poumon. Elle souligne notre attachement à un être, à une chose, à un état ou un sentiment perdu ou passé. La médecine chinoise la voit parfois comme une nécessité.
  • La peur (kǒng ) est produite par les reins. C’est une émotion indispensable pour le maintien de la vie, qui agit comme un signal d’alarme face à un danger.

Ce n’est que lorsqu’elles débordent, qu’elles deviennent excessives, répétées, qu’elles s’accumulent, que les émotions sont source de maladies parfois graves (dépression, cancer, diabète, troubles de la libido, du sommeil etc.)

La science confirme aujourd’hui ce que les traités de médecine chinoise affirment depuis 2500 ans.

Des scientifiques ont ainsi observé des patients qui disaient avoir souvent peur.

Ils ont remarqué que le cerveau et les glandes surrénales de ces patients produisaient des substances chimiques, l’adrénaline et la noradrénaline, en quantité anormale.

Ils ont également retrouvé des concentrations anormales de ces substances dans les plaquettes sanguines, ce qui veut dire que les cellules sanguines de ces patients étaient aussi marquées par la peur [4].

Voilà pourquoi on peut dire que lorsque les émotions qui circulent en nous sont « contaminées », il est logique qu’elles affectent directement notre santé.

Ainsi, des chercheurs américains ont montré qu’un tempérament colérique et des accès de colère augmentaient le risque de crise cardiaque ou d’AVC [5].

Et une autre étude australienne a confirmé que la crise cardiaque peut être déclenchée par un accès de colère intense. Une grosse colère multiplie par 8,5 le risque de crise cardiaque dans les deux heures qui suivent [6] !!

Faites cet exercice de ré-équilibrage émotionnel

Lorsque se dressent des obstacles ou des barrières émotionnelles, la médecine chinoise offre alors de nombreuses techniques pour retrouver la paix intérieure, comme la phytothérapie, l’acupuncture ou la gymnastique ré-équilibrante (Qi gong)

Je vous ai déjà proposé ce petit exercice qui peut se pratiquer couché (sur le dos), assis ou debout. Vous pouvez le refaire, c’est un calmant très efficace !

1- Massez votre plexus solaire en faisant une trentaine de cercles en maintenant une légère pression. Petit à petit vous pouvez aller de plus en plus profondément dans votre corps sans pression excessive.

2 – Enchaînez avec des respirations abdominales. Inspiration lente, tranquille, vous gonflez l’abdomen. Puis vous videz l’abdomen. Cette respiration se fait lentement et uniquement par le nez. On n’utilise pas la bouche. Faites ces respirations pendant 3 minutes au moins. Essayez dans le même temps de vous visualisez vous-même, souriant, détendu.

3 – Puis frottez énergétiquement avec le plat des mains les deux côtés de votre thorax simultanément, sous l’aisselle, jusqu’à provoquer un léger réchauffement de la zone. Ensuite tapotez avec les poings fermés cette même zone durant 1 à 2 minutes.

4 – Inspirez profondément en visualisant de l’air vert bleu qui entre dans votre foie et expirez en prononçant le son « Shuuuuuu ». Il s’agit d’un son « nettoyant », qui relance la circulation de son énergie du foie et favorise son bon fonctionnement. Vous pouvez pratiquer cette étape 3 à 5 minutes.

Et maintenant, pour ceux qui voudraient aussi des solutions plus « classiques » pour tempérer leurs émotions, voici quelques pistes – nous en avons déjà évoquées certaines ensemble, d’autres vous le verrez sont un peu plus « personnelles » :

Huiles essentielles

Certaines huiles essentielles bien sélectionnées peuvent jouer un rôle calmant.

En cas de montée brusque de colère : masser 1 goutte d’huile essentielle de lavande vraie, diluée dans un peu d’huile végétale, par exemple de l’huile d’amande douce au niveau de la face inférieure du poignet.

S’il s’agit d’une colère sourde, en lien avec une sensation de frustration et de vengeance : masser 1 goutte d’huile essentielle de Camomille noble dans le dos de la main entre le pouce et l’index.

A l’hôpital de Poitiers, par exemple, une aromathérapeute passe le matin dans les chambres des malades pour leur proposer des huiles essentielles pendant leurs traitements de chimiothérapie.

Elle leur suggère l’huile essentielle de marjolaine en cas de la colère face à la maladie.

Fleurs de Bach

Je précise que l’utilisation des fleurs de Bach ne repose sur aucune validation scientifique mais sur l’expérience d’un médecin anglais, le Dr Edward Bach.

Celui-ci a établi une liste de 38 fleurs et plantes capables selon lui de traiter les émotions et les  sentiments qui perturbent notre équilibre intérieur.

Parmi elles, Holly (houx) est indiquée en cas de colère extériorisée (on hurle, on frappe du poing sur la table) tandis que Willow (saule) est plus adaptée aux colères rentrées (ruminations, pensées obsessionnelles).

  • Contre la montée ponctuelle de colère : 4 gouttes de Holly sous la langue. Recommencez 15 minutes plus tard tant que le besoin s’en fait sentir.
  • En cas de ruminations : 2 gouttes de Willow diluées dans un verre d’eau à boire par petites gorgées, 4 fois par jour, en cure d’environ trois semaines.

Personnellement, j’avoue que j’ai été modérément séduit lorsque j’ai essayé les Fleurs de Bach, mais d’autres personnes m’ont témoigné d’une utilité réelle pour elles.

Leur utilisation est absolument sans effet secondaire, vous pouvez essayer pour vous-même sans le moindre risque.

Et aussi

En traitement homéopathique de fond : Nux vomica 15 CH, 5 granules par jour, à laisser fondre sous la langue, en cure de 3 mois.

Du côté des plantes : la valériane diminue la nervosité et l’irritabilité et permet de lutter contre les troubles du sommeil. Pour une tasse de tisane : laisser infuser pendant 10 minutes 1 cuillère à café (3 g environ) de racines de valériane dans 150 ml d’eau bouillante. Boire 3 à 5 tasses par jour.

Stratégie plus personnelle

Enfin, je termine avec cette conviction un peu plus personnelle.

Je crois que la beauté, la vraie beauté, celle qui pénètre au fond de votre âme, de votre cœur, est un soutien inestimable lorsque le vent de la colère abîme notre paysage intérieur.

Et cette beauté ne tombe pas toujours du ciel. Il faut cultiver l’esprit de curiosité qui permet de la trouver.

Et puis vous pouvez simplement aller respirer les embruns, lire un poème, plonger vos yeux dans le regard sans fond d’un petit bébé, vous pouvez marcher devant vous, courir aussi vite que vous le pouvez, lever les bras vers le ciel, et ressentir la plénitude d’être là, bien vivant !

Hildegarde de Bingen faisait-elle la même chose ?

En tout cas elle regardait vers le ciel et ce qu’elle y voyait la rendait plus heureuse, et en meilleure santé.

Quand elle est morte en 1179, la vieille religieuse était âgée de 81 ans.

Santé !

Gabriel Combris

Sources:

[1] Paul Ferris. Les remèdes de santé d’Hildegarde de Bingen, Poche Marabout.

[2] http://www.psychologies.com/Therapies/Developpement-personnel/Epanouissement/Articles-et-Dossiers/Arreter-de-se-prendre-la-tete/Arretons-la-rumination-mentale

[3] Kripke DF. Hypnotic drug risks of mortality, infection, depression, and cancer: but lack of benefit [version 1; referees: 2 approved]. F1000Research 2016, 5:918.

[4] Deepake Choprah, Le corps Quantique.

[5] European Heart Journal, 3 mars 2014

[6] Acute Cardiovascular Care, 23 février 23 2015