Chers lecteurs,
Je vous prends au débotté, en ce petit matin de nouvelle d’année, avec un titre franchement direct, et une question un peu angoissante : l’intelligence ne serait-elle pas en train de devenir un sérieux problème ???
Je me la pose en découvrant la nouvelle saillie du célèbre chirurgien Laurent Alexandre.
Il y a quelques années, ce militant d’un homme aux capacités augmentées par la technologie, avait déjà identifié les perdants du monde qui arrive : les personnes avec moins de 150 de QI (quotient intellectuel), qui d’après lui, ne « serviront plus à rien ! »1.
Bonne ambiance, déjà…mais récemment, ce médecin a franchi un nouveau cap.
Les bons parents doivent faire le tri sélectif de leur enfant !
Dans une interview au média le Crayon, il explique que « depuis le mois d’octobre 2024, une société américaine commercialise un kit d’analyse des embryons, de manière à sélectionner l’embryon qui va être le plus intelligent et l’implanter par procréation médicalement assistée. »2
D’après lui, c’est une technologie qui va se généraliser, « puisque 38 % des américains souhaitent que leur enfant soit génétiquement sélectionné pour entrer dans une bonne université, et donc être compétitif face à l’intelligence artificielle ».
« La barrière morale va sauter parce que peu de parents, même en Europe, vont souhaiter fabriquer des bébés qui vont être au revenu universel ou au chômage à vie parce qu’ils ne seront pas compétitifs face à l’intelligence artificielle. »
Donc, conclut-il, « je pense que les bons parents dans le futur choisiront d’avoir des enfants hyper-intelligents pour qu’ils aient une place dans cette société où l’intelligence artificielle sera elle-même super intelligente »…
Les bons parents feront donc leur tri sélectif avant la naissance…
Les autres se contenteront de mettre au monde des « inutiles », des chômeurs abreuvés d’aides sociales et de bière. Allez, bonne vie et puis, bon courage…
Vive la haine !
Devant de telles perspectives, je pense à cette phrase du révolutionnaire Lounatcharski, ami de Lénine : « A bas l’amour du prochain ! Ce qu’il nous faut, c’est la haine. Nous devons apprendre à haïr. C’est ainsi que nous arriverons à conquérir le monde. »3
Et je me demande si ce culte de l’homme augmenté, de l’intelligence supérieure, n’est pas en train de devenir le visage moderne de la haine ?
On peut en faire le constat tous les jours : notre monde déborde de puissance de calcul. Il y a des tonnes de gens intelligents. Davantage de doctorats, plus de brevets, plus de groupe de réflexion…
Plus de cellules grises que jamais qui s’appliquent à résoudre les défis cruciaux de notre époque.
Et alors ?
Est-ce que nous sommes plus heureux ? Est-ce que le monde est meilleur ? Est-ce qu’il est plus beau ?
Regardez les ravages que cette obsession fait tous les jours dans notre société : rien qu’en France, 15 millions de boîtes d’antidépresseurs sont prescrites chaque année4, près de 4 français sur 10 déclarent avoir déjà fait un « burn-out », etc.
Qui peut sérieusement prétendre que la dépression, le stress, le mal-être, ne découlent pas en grande partie de cette vision strictement utilitaire de la vie que défendent les « transhumanistes », les promoteurs de « l’humain augmenté ».
Le problème, ce n’est pas que nos cerveaux sont trop petits… en fait, avec toute cette puissance de calcul supplémentaire… il se pourrait que nous ayons un trop-plein d’intelligence.
Le problème, c’est que ce sont nos coeurs qui ne peuvent plus suivre.
Nos cœurs qui souffrent de s’obstiner à violer toujours plus les lois de la Nature, à négliger la connaissance de soi, à refuser le véritable Amour.
Il y a ce qui compte…et ce qu’on compte
A leur monde intelligent, il devient urgent de proposer un mouvement de civilisation vers l’essentiel… Et pour essayer de comprendre où se trouve l’essentiel, je vous propose un petit détour au « paradis des inutiles », la ville de Lourdes.
Personnellement, j’ai eu la chance d’y aller à plusieurs reprises.
Dans cette ville incroyable, où tout s’achète et se vend, l’espoir, le miracle, la souffrance, on croise également l’authentique humanité, celle qui intègre aussi les fragiles, les cabossés, les malades, les « bas de plafond », pour composer un tout.
A Lourdes, les éclopés, les souffrants, les diminués, les tous petits, les ratés et les moches sont comme nulle part ailleurs des hommes de plein droit.
Car de la même façon que le jour n’existe que parce qu’il se compare à la nuit, l’utile n’est rien sans l’inutile.
Il y a ce qu’on compte, et il y a ce qui compte.
Ce sont les deux versants d’une même pièce, la vie, où il est folie de croire que l’on sera toujours dans le même camp : celui des valides, des forts et des gagnants.
Les « Inutiles » que méprisent les transhumanistes, je les vois au contraire comme les messagers de l’essentiel, ceux qui rappellent aux autres que nous ne sommes jamais que des passagers sur cette terre, tous frères en humanité.
Et sinon, concrètement ?
Maintenant comment agir concrètement pour l’essentiel ?
D’abord, soutenir, en s’impliquant personnellement quand on le peut, les initiatives sincères pour un monde réellement plus apaisé et fraternel. Si vous en connaissez autour de vous, partagez-les en commentaire de cette lettre, c’est à cela (aussi) qu’elle sert.
Ensuite, cesser de vivre sur l’ordre des choses stériles, apprendre à déceler les pollutions les plus insidieuses – les pesticides bien sûr, mais aussi le vacarme intérieur, la parole qui blesse, la rumeur ou des « idées moches » qui tournent dans nos têtes.
Aussi longtemps que le quantitatif restera le dénominateur commun de tous nos actes, il sera inutile de parler de civilisation de l’essentiel.
Alors, le « jeûne de consommation » – ce que l’agriculteur Pierre Rahbi appellait la « sobriété heureuse » -, peut-il être une réponse au toujours plus que réclame notre société : plus de croissance, d’efficacité, de productivité, de compétition, plus d’intelligence…artificielle ou non.
Retrouver (un peu) le goût de la privation, de la rareté des choses, pour rallumer la pleine conscience de vivre ? Est-ce impossible ?
Cela demande d’aller chercher dans la relation à l’autre, dans des amitiés sincères, dans des rapports de chair et d’os et un mode de vie sain, la plénitude que la consommation ne peut pas offrir.
Cela demande, il me semble, d’« oser le silence », ce silence qui offre une saisissante contradiction dans notre monde affairé, bruyant et tourmenté.
Vous pouvez en faire l’expérience… tout de suite…
…Fermez les yeux et imaginez que vous êtes dans un bois, seul, sous de grands hêtres, des chênes, des charmes ou des trembles, tous ces arbres dont les feuilles bruissent doucement avec le souffle du vent.
…Quelques cris d’oiseaux, quelques craquements d’écorce et bientôt, plus rien qui perturbe le silence.
Et pourtant…ce n’est pas un silence « de mort », un vide lugubre, un de ces instants angoissants où la vie semble avoir été « aspirée ».
C’est en réalité la manifestation de la plus intense des présences. La présence à soi-même
Car voilà la clé ultime.
Celle de l’aventure intérieure qui nous relie au divin, aux forces cosmiques, qui nous permet de définir le vrai but de notre vie et les moyens les plus convenables pour l’atteindre sans trahir l’ordre du monde ni ses lois.
Je vous souhaite une bonne et heureuse année 2025 !
Gabriel Combris
Sources :
[1] https://www.linkedin.com/pulse/culte-de-la-performance-un-risque-sous-estim%C3%A9-husson-traore/?trackingId=7bMroSU4Qu6SWWApOEZ1zQ%3D%3D
[2] Rencontres de l’Avenir à Saint Raphaël Novembre 2024
[3] Voir lettre de JP Willem du 1er janvier 2025.
[4] http://www.doctissimo.fr/html/psychologie/mag_2003/mag1121/ps_7222_psychotropes_consommation_francais.htm
Evidemment que l’intelligence “cognitive” ou “cérébrale” est en compétition avec l’IA, mais justement, ce qui nous différencie, c’est l’amour universel, le fait de pouvoir aimer et ressentir, ce qui n’a rien de commun avec l’IA qui peut sans doute simuler, pourquoi pas, mais je crois qu’elle ne pourra jamais rejoindre le cercle des “âmes”.
Les bio-technologies et le transhumanisme détruisent la nature en tentant d’en extraire le maximum. Il faut juste remonter un peu le temps et faire un stop aux années 80 qui étaient franchement intéressantes, vivantes, pleines d’espoir et de créativité.
J’ai la soixantaine passée et justement, cela me permet de lire la bande chronologique en laissant naviguer le curseur pour pouvoir cerner le créneau temporel qui permettait de vivre en équilibre (à peu près).
Permettez moi de vous donner cette opinion qui m’amène à chercher une issue, une sorte de fuite à ce qui en train de se formaliser, le désir de renoncer à ces fléaux technologiques pour me rapprocher de la nature, de l’amour et de la solidarité entre humains. Voilà, sur ce, bonne année quand même.
Bonjour, je suis tout-à-fait d’accord avec vous.
Après avoir été hospitalière à Lourdes pendant plus de trente ans, j’y accompagne maintenant un groupe de personnes porteuses d’un handicap. Moments d’échanges, de solidarité, d’amitié, où l’on reçoit autant (et même plus) que ce que l’on donne.
Même chose dans plusieurs associations de solidarité internationale, tant avec les autres membres qu’avec les personnes aidées.
C’est pareil dans les relations de voisinage : se saluer, échanger quelques mots, un signe de la main de loin, apporter son aide, même à quelqu’un qu’on ne connait pas, recevoir de l’aide quand on est en difficulté…
Cordialement
Très bel article sur les petits et les faibles! Merci…