Chère lectrice, cher lecteur,

C’est curieux comme l’homme contemporain, le même qui est si pressé d’aller coloniser Mars ou la Lune, a oublié la joie simple qu’on peut trouver à contempler les étoiles.

La joie qu’on peut trouver à se contenter. De ce qu’on a, de ce qu’on sent, de ce qui nous entoure et qu’on voit, qu’on touche ou qu’on goûte.

Car se contenter, ce n’est pas renoncer.

« Ce n’est pas péjoratif, écrit le navigateur Olivier de Kersauson. Revenir au bonheur de ce que l’on a, c’est un savoir-vivre. ».

Dans le fond, se contenter, c’est vivre content, et c’est absolument essentiel pour notre santé.

Et pourtant…

Drogués à la compétition, à la performance, à la « gagne », les héros d’aujourd’hui sont ceux qui foncent, qui bousculent, les briseurs de records, les bâtisseurs, les leaders

Ils sont les « dieux » d’un monde qui ne se « contente pas », mais qui aspire à « faire toujours plus » à « aller plus loin », à « se dépasser » encore et encore. 

Est-ce un hasard alors, de voir ce monde si malade ?

  • Est-ce un hasard, si des millions de personnes se ruent sur les antidépresseurs, les somnifères, les anxiolytiques ou la malbouffe pour compenser le stress, les ruminations, l’angoisse ?…
  • Si le nombre de cancers explose depuis cinquante ans ? Si le diabète, la dépression, l’insomnie ou la douleur chronique sapent la vie quotidienne de millions d’entre nous ?
  • Etc.

Dans son livre « L’amour, la médecine et les miracles », le chirurgien américain Bernie Siegel remarquait que le risque de cancer était plus élevé chez des personnalités édifiées sur « la valorisation des êtres et des choses extérieures au moi ».

En d’autres termes, celles qui ne trouvent pas en elle-même la ressource intérieure du bonheur.

Je sais qu’il s’agit d’un sujet difficile, et que mon propos n’est en aucun cas de pointer du doigt tel ou tel type de comportement.

Mais certaines études scientifiques soulignent le rôle essentiel d’un état d’esprit serein, d’une conscience de vivre pleinement l’instant présent, sur la longévité.

  • Une étude récente menée à l’Université de Yale aux États-Unis a révélé que les personnes pessimistes avaient 3 fois plus de risques de développer une démence que celles qui adoptaient une attitude positive.1
  • Selon des travaux parus dans le International Journal of Psychiatry in Medicine en 2010, avoir de l’humour et rire souvent permet d’augmenter l’espérance de vie de 20% !2 Menée sur 53000 participants, cette recherche prouve que le rire entraine une cascade de phénomènes physiologiques, allant de la sécrétion hormonale à l’augmentation de la circulation sanguine, en passant par la production de globules blancs pour booster l’immunité.
  • Une autre étude canadienne indique que le bonheur est associé à un nombre très faible de maladies cardiovasculaires par rapport aux sentiments négatifs.3
  • Enfin, une méta-analyse de 35 études a montré que les personnes heureuses peuvent vivre jusqu’à 18% plus longtemps que leurs homologues moins heureuses4.

18% de durée de vie en plus, c’est près de 7 ans d’espérance de vie EN PLUS si vous voyez la vie du bon côté.

Car toutes ces études le prouvent sans ambiguïté :

Avoir un engagement, un objectif de vie qui favorise le bonheur et l’optimisme est un facteur MAJEUR de longévité.

Mais le message le plus important de ces travaux c’est certainement celui-ci : ce n’est pas forcément la qualité du mode de vie qui influe sur la longévité, mais bien la manière de l’envisager et le plaisir qui en découle.

Rien à voir avec la chance ou le patrimoine génétique donc.

Il s’agit là d’une conquête permanente, progressive et surtout très personnelle des saveurs de votre vie.

Et en la matière, tous les chemins sont possibles, et il n’est jamais trop tard pour apprendre à se contenter.

En témoigne l’histoire de Luigi Cornaro, ce gentilhomme vénitien du 16e siècle, à qui ses médecins annoncèrent lorsqu’il avait 40 ans qu’il allait mourir…et qui décida de reprendre sa vie en main. De devenir un nouvel homme.

Son arme ? La tempérance.

Tempérance alimentaire, d’abord :

« Je faisais en sorte de ne jamais me sentir complètement rassasié et de me lever toujours de la table avec la sensation de pouvoir encore manger et boire. Pour maîtriser sa santé, l’homme doit maîtriser son appétit. »

« Ayant vaincu l’intempérance de cette manière, j’adoptais complètement une vie modérée et réglée, c’est pour cela qu’en moins d’un an j’ai été libéré de tous mes problèmes de santé qui, auparavant, semblaient incurables »

Tempérance corporelle, ensuite :

« Il est vrai qu’en plus de ces règles alimentaires que j’ai scrupuleusement respectées, j’ai également évité autant que possible les excès de chaleur et de froid, la grande fatigue, la perturbation de mes habituelles heures de repos et les endroits manquant d’air. »

Et bien sûr, tempérance spirituelle :

« De même, j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour éviter d’avoir des sentiments qui sont difficiles à vaincre tels que la mélancolie, la haine, ces émotions violentes qui semblent avoir grande influence sur notre corps. »

Luigi Cornaro est mort en 1466, à l’âge de 102 ans. Il fût son propre médecin, et la recherche de l’équilibre, son unique médicament.

Et je crois qu’aujourd’hui comme hier, notre monde entier réclame cet homme qui se contente, un constructeur et non un producteur, un utilisateur éclairé, non un consommateur avide.

Et pour finir, j’aimerais vous faire découvrir la mélodie particulière que l’on peut ressentir au contact d’hommes qui ont fait ce choix de vie, tel que l’a rapporté un journaliste qui est allé les voir, un soir d’hiver :

« Il faut avoir tourné sur les routes sinueuses de la Brenne pour découvrir, dressée dans la brume glaciale au bout d’une allée d’arbres, l’abbaye bénédictine de Fontgombault ».

« Mille ans d’âge, mille ans de prières et de plains-chants, ces mélopées étranges et aériennes des moines ».

« Mille ans de renoncement volontaire au monde extérieur. Mille ans de perfectionnement solitaire, de silence, de labeur secret. »

« Il faut franchir le porche antique, frissonner sous l’humidité qui se jette sur vous comme un brigand et ne vous lâche plus. Il faut se laisser porter par la liturgie sobre et grandiose venue du fond des âges. »

« Il faut voir entrer le cortège des moines qui vont s’agenouiller devant la crèche, laisser gagner le silence, suivre leurs prières : « que la grâce nous apprend à renoncer aux convoitises mondaines pour vivre en ce monde sobrement, honnêtement et pieusement. » 

« Dans l’immense abbatiale, le froid remonte inexorablement par les dalles séculaires, saisit les chevilles, les genoux, le haut des jambes, insensibilise la moitié du corps. » 

« Il faut sortir après deux heures de cérémonie glacé jusqu’à la taille. Les moines ont disparu. Le ciel couvert d’étoiles paraît soudain plus haut. La campagne a quelque chose de magique, d’étincelant. »

Le mystère de la vie s’impose alors, avec son parfum d’éternité. Nous sommes bien sur la Terre…La conquête de Mars…Elle peut bien attendre, non ?

Santé !

Gabriel Combris

 

Sources : 

1. Levy BR, Slade MD, Pietrzak RH, Ferrucci L (2018) Positive age beliefs protect against dementia even among elders with high-risk gene. PLoS ONE 13(2): e0191004. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0191004

2. Svebak S, Romundstad S, Holmen J. A 7-year prospective study of sense of humor and mortality in an adult county population: the HUNT-2 study. Int J Psychiatry Med. 2010;40(2):125-46. doi: 10.2190/PM.40.2.a. PMID: 20848871.

3. Karina W. Davidson, Elizabeth Mostofsky, William Whang, Don’t worry, be happy: positive affect and reduced 10-year incident coronary heart disease: The Canadian Nova Scotia Health Survey, European Heart Journal, Volume 31, Issue 9, May 2010, Pages 1065–1070, https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehp603

4. Chida Y, Steptoe A. Positive psychological well-being and mortality: a quantitative review of prospective observational studies. Psychosom Med. 2008 Sep;70(7):741-56. doi: 10.1097/PSY.0b013e31818105ba. Epub 2008 Aug 25. PMID: 18725425.