Chère lectrice, cher lecteur,
Question délicate aujourd’hui :
Il faut presque une loupe pour voir les petits personnages perdus dans ce tableau.
Et curieusement, ils en sont pourtant « le cœur et les yeux »…
Comment imaginer que l’on puisse, à sa toute petite mesure d’être humain, seul et perdu parmi 7 ou 8 milliards d’autres, avoir le moindre poids, la moindre influence ?
Comment agir pour le beau, le juste, le vrai ?
Pour répondre à cette question, plus concrète qu’il y paraît au moment où quantité de défis immenses se posent à chacun de nous : celui de la santé, de l’environnement, de l’écologie, de la paix et de la justice, une approche étonnante, entre science et spiritualité, peut nous éclairer.
Il s’agit de suivre le conseil d’un vieux peintre chinois, dont l’Académicien François Cheng nous narre la rencontre dans son extraordinaire petit livre intitulé « De l’âme ».
Cet homme vivait en ermite au fond d’une vallée, abri précaire au milieu d’un monde bouleversé.
« Il entendait, écrit Cheng, rester fidèle aux grands maîtres des Song et des Yuan qui, à un moment spirituellement élevé de la tradition chinoise, avaient saisi et réalisé une vision authentiquement juste du destin humain au sein de l’univers vivant. »
« Cette vision n’est possible que si l’âme humaine entre en pleine résonance avec l’âme universelle, un état que les anciens appelaient le shen-yun, état suprême de la création artistique ».
Mais attention, il ne s’agit pas d’un état réservé aux seuls artistes. Chaque être humain est concerné.
Sommes-nous noyés dans la brume du « Grand TOUT » ?
Au cours de leur entretien, le peintre sort devant Cheng un grand rouleau, sur lequel on voit d’immenses paysages de montagne et d’eau, au cœur desquels se trouvent de tous petits personnages, en pleine contemplation.
Commentaire du maître :
« Pour un œil occidental habitué à la peinture classique, où les personnages sont campés en premier plan et le paysage relégué à l’arrière-fond, le personnage dans le tableau chinois paraît complètement perdu, noyé dans la brume sans limite du Grand Tout. »
Mais…ce n’est qu’une impression !
« …Si avec un peu de patience et de lâcher-prise, l’on consent à contempler le paysage jusqu’à y pénétrer en profondeur, on finit par concentrer son attention sur le petit personnage, par s’identifier à cet être sensible qui, placé à un point privilégié, est en train de jouir du paysage. »
On s’aperçoit alors que, véritablement il est « l’œil et le cœur d’un grand corps ».
« Pour ainsi dire, il est le pivot autour duquel se déploie un espace organique, de sorte que celui-ci devient son paysage intérieur ! »
Et Cheng se rend compte alors ce que cela signifie :
L’homme, aussi petit, aussi faible et fragile soit-il, a été fait pour être « l’œil ouvert le cœur battant de l’univers vivant ».
« Si nous pouvons penser l’Univers, c’est que l’univers pense en nous » résume-t-il.
Mais il y a une condition : il ne suffit pas d’être.
Il faut être en profondeur…et en totalité.
Mais comment faire concrètement, pour devenir aussi grand que le personnage du tableau de Cheng ?
Comment devenir immense alors qu’on se voit tout petit ?
Un indice : cherchez le « flow »…
Dans son livre « Le défi Positif », le Dr Thierry Janssen, chirurgien et psychothérapeute, parle de certaines expériences qui pourraient nous y aider.
On les appelle les « expériences autotéliques » (du grec auto : soi-même, et telos : le but).
Il s’agit « d’actions qui sont réalisées pleinement, de façon concentrée, par des personnes « totalement immergées » dans ce qu’elles font ».
Cela peut être de la danse, un jeu d’échecs, de l’escalade…c’est aussi le luthier, le relieur, ou le maçon, lorsqu’ils se concentrent intensément sur leur travail, c’est encore le chirurgien qui opère à cœur ouvert pendant des heures.
Toutes ces actions exigent un degré extrême de concentration, et la science a montré que lorsqu’on atteint ce degré, on se sent comme « emporté par un courant », « un flux » (un « flow » comme l’appellent les psychologues américains) qui procure une sensation intense de plénitude :
« Le flow jaillit quand l’être humain donne le meilleur de ses capacités créatives, de son audace ou de son habilité. Il se produit quand vous réalisez une tâche exigeante, mais que vous maîtrisez, qui a du sens et qui fait avancer les choses ».
Alors l’homme se recentre.
Et il ressent dans son corps et dans son âme le sentiment d’être l’œil et le cœur de l’univers, comme dans le tableau du maître chinois.
La meilleure expérience de vie possible
L’important, c’est d’avoir un défi à accomplir.
Le psychologue américain d’origine hongroise Mihaly Csikszentmihalyi – un des noms le plus imprononçables de la recherche en psychologie – décrit ainsi l’intérêt qu’il y a à choisir un objectif précis pour motiver notre action.
Il s’intéressait aux conditions du processus créatif.
En observant – lui aussi ! – les peintres en action, il constata qu’ils étaient totalement concentrés sur leur ouvrage, qu’ils ne ressentaient ni la faim, ni la soif, ni la fatigue.
Leur témoignage était clair : ce qui les incitait à peindre n’était ni la reconnaissance ou l’argent, mais « la satisfaction de tremper leurs pinceaux dans la peinture, de poser les couleurs sur la toile, et de se laisser emporter au plus profond du sujet représenté, suspendus dans le temps »1
Csikszentmihalyi a pu mesurer quand exactement interview cette sensation de «flow » ou « d’expérience optimale ».
Elle correspond à une « période de concentration intense sur le moment présent, vécue en perdant la notion de temps qui passe, dans l’oubli de soi, au profit d’un engagement total dans l’action en cours ».
Le flow peut donc aussi se produire en lisant, en écrivant, en chantant dans une chorale, en jouant du piano ou un autre instrument, lors d’un match en équipe ou lors d’une conversation passionnée avec un ami.
Selon toutes les études, les personnes qui se disent les plus heureuses sont celles qui parviennent à susciter le plus de moments de flow.
Mais attention, il y a des barrières…
Il reste que certains états d’esprits viennent empêcher cet état de flow.
D’abord, le « bonheur d’être concentré » pour reprendre l’expression du Dr Janssen, est de plus en plus difficile à connaître dans notre vie moderne. Trop de sollicitations, de distractions :
« Il y a ceux qui surfent sur internet en gardant un œil sur leur portable, ceux qui prennent leur repas en regardant la télévision, d’autres qui s’entraînent dans une salle de sport en même temps qu’ils écoutent de la musique ou d’autres, enfin, qui lisent un livre pour – je ne plaisante pas – ne pas perdre leur temps ».
A force de passer d’une activité à l’autre, de moins en moins de gens ont l’occasion d’être « emportés par le flux ».
Du coup, ils ne sont plus remplis de leurs actions, ce qui génèrent stress, frustration, et parfois dépression.
L’autre « barrière », c’est l’esprit de performance et de compétition, qui selon le docteur Janssen, s’oppose lui aussi fermement à l’apparition de l’expérience optimale.
Une trop grande pression génère un stress incompatible avec l’immersion dans le flux. L’élan est brisé, l’entraînement dans l’action ne peut pas se produire.
Viser le flow est donc bien devenu un paradoxe à notre époque où la culture du divertissement n’autorise pas à faire des efforts pour s’engager dans une activité autotélique.
Trop de publicités veulent nous faire croire que nous pouvons être heureux que lorsque nous nous reposons ou, surtout lorsque nous nous « amusons ».
Nous sommes le « personnage central » du tableau
Mais les études de Csikszentmihalyi montrent que pour atteindre la vraie sensation de bonheur, il faut prendre un chemin inverse : « au travail, les personnes qui rencontrent des défis plus stimulants, sont plus créatifs et se sentent plus heureux que durant leur temps libre »2 !
N’est-ce pas d’ailleurs ce savaient les sociétés anciennes, celles d’avant la « civilisation des loisirs ». Regardez plutôt cette prière qu’on adressait autrefois tous les 1er mai, à Saint Joseph Artisan, patron des travailleurs :
« Comme saint Joseph artisan, imprégnons notre travail de foi, d’espérance et de charité afin d’obtenir cette transfiguration divine des besognes ordinaires ».
Transfigurer l’ordinaire, et lui donner une valeur extraordinaire.
C’est ressentir en profondeur ce qu’on est par ce qu’on fait.
C’est le danseur, profondément absorbé par la danse, qui ressent l’unité entre l’esprit, le corps, l’âme, la musique et le rythme.
C’est le simple ouvrier, qui par le soin qu’il met à sa tâche, par son âme qu’il intègre à la matière qu’il touche, par le beau qu’il recherche toujours, par l’intensité qu’il met dans ce qu’il fait, devient le vrai propriétaire de son travail.
Même s’il n’est pas celui qu’on voit en premier, il est le personnage central du tableau.
Santé !
Gabriel Combris
Sources :
1. Mihaly Csikszentmihalyi, Flow : the psychology of optimal experience, 1990.
2. Csikszentmihalyi M. Flow theory and research
Bonjour Monsieur,
Ce que vous décrivez est totalement vrai. Je le ressens totalement parce que dorénavant je suis en congés “perpétuels”, en travaillant beaucoup. Beaucoup mais en me consacrant totalement à chacune de mes tâches ou de mon sport ou de mon plaisir. Je pense que cela s’apprend, peut s’apprendre mais je conçois qu’il est très difficile dans cette vie trépidante et un peu idiote de la vie actuelle, de pouvoir se concentrer totalement sur une tâche à la fois : il y a la famille, le travail, les transports. Il faudrait que chacun puisse se ménager un petit espace de temps à soi, sans tricher et avec l’aide du reste de la famille, la réciprocité devant exister bien sûr. On oublie tout en se concentrant sur quelque chose de précis. Et… il serait salutaire pour certains de mettre le compte-minutes en marche dès que l’écran (quel qu’il soit) est allumé
Bonne chance à tous
Merci Mr pour ce rappel et cet appel à vivre heureux .ce que vous décrivez c est ce que je vivais au tout début de mon expérience professionnelle en tant qu hydrotherapeute au centre de thalassothérapie à Biarritz. je disais ceci ma journée se déroulait comme une danse car j etaisxheureuse investie et épanouie dans mon travail. je comparais mon travail à une danse légère. c était vraiment formidable ..Merci à vous ..c est pourquoi je parle de rappel et d appel à renouer avec le bonheur. Merci!
Bonjour à tous! Mon nom est Daniel, je suis allergique à tous les antibiotiques, état que je découvre à 22 ans, il y a 50 ans, et ce, suite à la mode des années 60, ou pour un simple rhume, le médecin, ne jurait que par pénicilline, le sésame de l’époque. Je ne peut pas jeter la pierre, il appliquait ce que l’académie lui avait enseigné. A 10 ans je suis ashmatique, et ma mère m’emmène chez un radiesthésiste, et je guéri en 3 mois sans jamais retomber. Sur mon chemin de patient, j’ai rencontré une médecin et homéopathe dotée d’une rare ouverture d’esprit, Liliane Nasi, elle m’a sorti d’une hépatite C, avec l’homéo, d’une allergie au venin de guêpe avec la biorésonance, ect,ect. M’étant occupé de chevaux, j’ai soigné de la galle avec de l’homéo, une inflammation postérieure gauche avec de la biorésonance, et HE Immortelle. Pour moi, Ravintsara pendant la pandémie. Oui la médecine naturelle fonctionne, j’en suis une preuve, 72 ans.
PS: Je vous autorise à publier. Etant en Suisse, je ne peux plus passer commande??? Cordialement, salutations DB
Grand merci pour votre réflexion.
“Si tous les gars du monde” …
Claude
Merci Gabriel Combris
Pour cet exposée passionnant……ce que vous évoquez est tellement juste et précieux…
J’aime beaucoup les ouvrages de François Cheng et suis très proche des philosophies asiatiques…en effet lorsque je peint c’est le moment de la création qui est le plus important…..je suis totalement présente……
Merci 🙏🏼 encore ….avec mes remerciements et meilleures salutations Juliette Mandrago
bjr Gabriel je peux dire sans hésiter que vous faites partie des grands écrivains et des grands messagers. vs êtes totalement immergé dans ce que vous écrivez. Et de vos rédactions ressortent une grande créativité profonde instructive dont la sincérité est évidente . votre defi Gabriel vous le réaliséz pour la joie des lecteurs ” flow” comme moi. vos écrits sont fulgurants et profonds .Moi je suis complètement ” flowee” par ceux ci Mais pour être flowee par qq chose ou par quelqu’un ne faut il pas partager le même ressenti? Ne faut il pas en un sens le savoir déjà ? Jeune est celui qui s étonné et s émerveillé Il demande comme un enfant insatiable : et après? il défie les évènements et trouve de la joie au jeu de la vie ( Phillipe de Dieuleveut) a bientôt Gabriel Marcelle Astor
Merci pour ce courriel qui peut faire comprendre à tout un chacun l’importance de ce que nous choisissons de vivre!
Un très grand merci pour votre message qui, au long de ma lecture, m’a donné de plus en plus de bonheur ! Cette attitude intérieure, que vous décrivez, est certainement le plus haut secret de la joie de vivre, donc de la pleine santé, qui incitent au respect de soi, de tous les êtres, donc, dans la paix, de la Vie-même.
Franchement parmi le fratra de lettres sur la santé , j’ai beaucoup apprécié celle -ci , véritablement . Et elle répond très bien au sentiment de malaise psychologique que j’éprouve personnellement dans cette société nouvelle . Je vous en remercie sincèrement
Connaître la durée des vidéos
Bonjour,
Merci pour votre travail important.
Je tiens à vous faire part d’un choix de présentation des vidéos que je trouve contre-productif pour vous : quand j’ouvre une de vos vidéos, je ne sais pas combien de temps elle dure : 15, 30, 60 mn ou plus?
De plus, il est impossible d’arrêter le visionnement pour le reprendre ensuite.
Résultat : je ne les regarde pas alors que je suis passionnée par le sujet et à 100% d’accord avec vous !
C’est important de pouvoir maîtriser son temps et à quels moments on décide de faire telle ou telle chose. Être privée de cette maîtrise est pour moi un sentiment désagréable, quel que soit l’intérêt du sujet.
Merci de votre attention,
Bien à vous,
Élisabeth M. Perrot-Lanaud