Chère lectrice, cher lecteur,

Si vous avez déjà entendu parler de la lutéine, c’est probablement pour ses bienfaits reconnus scientifiquement sur notre…vue.

Ce pigment naturel de la famille des caroténoïdes, que l’on retrouve aussi dans la macula de la rétine, permet en effet le ralentissement de la cataracte et de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA)[1][2][3] – une maladie oculaire qui peut provoquer la cécité.

A ce sujet d’ailleurs, sachez qu’il existe un premier test pour déceler les symptômes de la DMLA : la grille d’Amsler, du nom de l’ophtalmologue suisse qui l’a conçu :

C’est très simple à faire : placez-vous à environ 25 centimètres de votre écran.

  • Avec vos lunettes correctrices ou lentilles si vous en utilisez ;
  • un œil à la fois (couvrez l’autre œil sans le presser) en fixant le point central de la grille.

Toutes les lignes devraient être droites, toutes les intersections devraient former des angles droits et tous les cadres devraient être de la même taille[4].

Dans tous les cas, que ce soit en prévention ET même si la DMLA est détectée, la lutéine va agir par sa capacité de neutraliser les radicaux libres qui peuvent endommager la rétine, en plus de filtrer la lumière bleue provenant des rayons UV qui agressent les photorécepteurs de l’œil.

Supplémentation : oui, mais…

L’organisme n’étant pas capable de synthétiser la lutéine, on ne peut en obtenir que par l’alimentation (chou frisé, épinards, navets, pois, poivrons jaunes et rouges, avocats, carottes, persil ou encore jaunes d’œufs) et la supplémentation.

L’idéal est de consommer ces aliments entiers, et de les manger crus ou le moins cuits possible, car la lutéine (comme d’autres caroténoïdes comme la zéaxanthine) est très sensible et se détériore à la chaleur.

Signalons qu’une étude récente, parue dans la revue JAMA Ophthalmology, a pointé certains dangers d’un abus de lutéine et de zéaxanthine.

Dans cette étude, les patients sans DMLA qui prenaient des compléments alimentaires de lutéine en plus d’adopter un régime privilégiant les caroténoïdes risquaient de voir se former des cristaux dans la région maculaire de l’œil (maculopathie cristalline).

Mais une fois de plus, cela ne veut pas dire qu’il faut jeter le bébé avec l’eau du bain !

Les chercheurs recommandent à tous une alimentation riche en caroténoïdes, et suggèrent de réserver la supplémentation en lutéine (10 mg) et en zéaxanthine (2 mg) aux personnes dont la dégénérescence maculaire est détectée[5].

Voilà pour la face la plus connue de la lutéine.

Mais il y a aussi autre chose…

La lutéine contre le déclin cognitif

Des recherches plus récentes ont permis de découvrir la lutéine sous un angle nouveau, en établissant qu’elle jouait un rôle important dans la santé du cerveau, et pourrait contribuer à prévenir le déclin cognitif.

Dans une étude[6] sur 60 adultes âgés de 25 à 45 ans, les personnes présentant un taux élevé de lutéine ont des réponses neuronales plus ‘jeunes’ que celles qui ont un taux plus faible.

Le taux de caroténoïde a été déterminé en mesurant la densité optique de pigments maculaires, dont on sait qu’elle est fortement corrélée au taux de lutéine dans le cerveau.

En choisissant un échantillon de personnes âgées de moins de 45 ans, les chercheurs voulaient évaluer l’effet protecteur potentiel de la lutéine

D’autre part, il a été démontré aussi que le processus de déclin cognitif commence plus tôt que ce que l’on pense généralement, et peut s’amorcer dès 30 ans.

Autres bienfaits de la lutéine pour la santé

Dans une revue d’études, le docteur Jospeh Mercola, identifie d’autres bienfaits de la lutéine[7] :

  • L’alimentations riche en bêta-carotène, en lutéine et en lycopène, qui sont des caroténoïdes, augmente la résistance contre l’oxydation du cholestérol à lipoprotéines de faible densité (LDL). Une concentration plasmatique élevée en caroténoïdes a également été associée à une diminution des dommages à l’ADN.
  • La lutéine et la zéaxanthine, associées à la vitamine E, améliorent la fonction pulmonaire
  • Les taux plasmatiques d’antioxydants tels que la lutéine, la zéaxanthine, la vitamine E, la bêta-cryptoxanthine, le lycopène et l’alpha et le bêta-carotène, sont inversement corrélés à la sévérité de l’insuffisance cardiaque.
  • Les taux plasmatiques de caroténoïdes sont également inversement corrélés au cancer de la prostate

Comment optimiser l’absorption de la lutéine

La lutéine et les autres caroténoïdes sont liposolubles (soluble dans les graisses) ; pour optimiser leur absorption, veillez donc à intégrer une petite portion de bonnes graisses dans vos repas.

Certaines études ont par exemple montré qu’ajouter un ou deux œufs dans une salade peut multiplier jusqu’à neuf fois l’absorption des caroténoïdes contenus dans les repas !

Les poules qui picorent librement en plein air pondent des œufs dont le « jaune » ressemble plus à un orange, ce qui révèle une teneur élevée en lutéine et en zéaxanthine.

Des jaunes d’œufs ternes, de couleur pâle, proviennent de poules élevées en cages, qui n’ont pas la possibilité de se nourrir naturellement.

Je vous rappelle qu’en France, pour reconnaître la provenance des œufs, il faut regarder le premier chiffre inscrit sur la coquille :

  • Le 3 désigne un œuf issu d’une poule élevée en cage en élevage intensif avec 16 poules au m2 (l’équivalent d’une feuille A 4 par poule…), pas de sortie, pas de lumière du jour…
  • Le 2 désigne un œuf issu d’une poule élevée en élevage intensif au sol ou en volière, avec 9 poules au m2, pas de sortie, pas de lumière du jour non plus.
  • Le 1 et le 0 désignent un œuf issu d’une poule élevée en plein air, et en bio (le 0) Les poules doivent avoir accès à un espace de plein air (le bio précise : pendant au moins un tiers de leur vie).

Pour augmenter l’absorption de la lutéine contenue dans vos légumes, vous pouvez également consommer du beurre cru bio, ou assaisonner vos salades avec une huile de qualité, comme de l’huile d’olive ou de noix de coco.

Autres nutriments précieux pour le cerveau

Dans sa revue d’études, le Dr. Mercola rappelle à juste titre que la santé du cerveau ne dépend bien entendu pas d’un seul nutriment.

Les carences alimentaires peuvent non seulement faire des dégâts au niveau de votre fonction cérébrale, mais votre santé intestinale joue également un rôle important, et les expositions toxiques par le biais de l’alimentation ou de l’environnement peuvent également y contribuer.

Des études présentées en 2018 à la conférence de l’Association Internationale sur Alzheimer, ont montré que certaines bactéries intestinales pourraient « promouvoir la formation de plaques de protéines dans le cerveau », ce qui est fondamental car la maladie d’Alzheimer se caractérise par l’accumulation de protéines amyloïdes et tau dans le cerveau[8].

D’autres chercheurs ont montré qu’un changement alimentaire entraînant une flore bactérienne nouvelle pouvait réduire les plaques amyloïdes, diminuer l’inflammation et améliorer la mémoire !!!

Là encore, il s’agit d’avoir une approche globale, où l’alimentation est certes un pilier structurant, mais pas isolé.

Pour une bonne fonction cérébrale, les nutriments suivants restent toutefois indispensables à surveiller :

  • Acides gras oméga-3 d’origine animale, acide docosahexaénoïque (DHA), et acide eicosapentaénoïque (EPA). On conseille une dose quotidienne de 250 à 500 mg d’EPA et de DHA pour un adulte en bonne santé.
  • Vitamine D : Pour maintenir à la saison froide des taux de calcifédiol supérieurs à 33 ng/mL, il est nécessaire d’ingérer en moyenne 4000 UI de vitamine D3 par jour.
  • Vitamine B 12 : En association avec les oméga-3, la Coenzyme Q10, l’acide folique (vitamine B9) et le zinc, elle a un effet positif sur les capacités cognitives et par conséquent, elle pourrait avoir un effet préventif sur la démence sénile[9]. La levure nutritionnelle est riche en B12 et est recommandée aux végétariens et végétaliens. Une portion (2 cuillères à soupe) apporte presque 8 microgrammes (μg) de vitamine B12 naturelle.

Santé !

Gabriel Combris

 

Sources : 

[1] Mozaffarieh M, Sacu S and Wedrich A, The role of the carotenoids, lutein and zeaxanthin, in protecting against age-related macular degeneration: A review based on controversial evidence, Nutrition Journal 2003, 2:20.

[2] Richer S, Stiles W, Statkute L, Pulido J, Frankowski J, Rudy D, Pei K, Tsipursky M, Nyland J, Double-masked, placebo-controlled, randomized trial of lutein and antioxidant supplementation in the intervention of atrophic age-related macular degeneration: the Veterans LAST study (Lutein Antioxidant Supplementation Trial). Optometry. 2004 Apr;75(4):216-30.

[3] Dagnelie G, Zorge IS, McDonald TM. Lutein improves visual function in some patients with retinal degeneration: a pilot study via the Internet, Optometry. 2000 Mar;71(3):147-64.

[4] http://www.association-dmla.com/test-de-la-grille-amsler/)

[5] Rene Y. Choi, Susan C. Chortkoff, Aruna Gorusupudi, and Paul S. Bernstein. Crystalline Maculopathy Associated with High-Dose Lutein Supplementation. JAMA Ophthalmology, October 27, 2016.

[6] https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnagi.2017.00183/full

[7] https://french.mercola.com/sites/articles/archive/2018/05/21/luteine-sante-yeux-cerveau.aspx

[8] http://alz.org/aaic/releases_2018/AAIC18-Tues-gut-liver-brain-axis.asp

[9] https://www.revmed.ch/RMS/2008/RMS-175/Hypovitaminose-B12-challenge-diagnostique-et-therapeutique